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LETTRE VII

évident qu’on ne m’écoutera pas le moins du monde, je ne vais pas, de moi-même, offrir mes avis à de telles gens et je ne ferai non plus violence à personne, fût-ce à mon propre fils. À mon esclave, oui, je donnerais des conseils, et s’il refusait, je les imposerais. Mais un père ou une mère, c je considère comme impie de les contraindre, sauf dans le cas de folie[1]. Embrassent-ils un genre de vie qui leur plaît à eux et pas à moi, il ne me paraît pas convenable de les irriter vainement par des reproches, ni non plus de les flatter par mes complaisances, en leur procurant de quoi satisfaire des désirs tels que, moi, je n’accepterais pas de vivre en les caressant pour moi-même. Voilà dans quelles dispositions vis-à-vis de son pays doit vivre le sage. Au cas où il ne lui semble pas bien gouverné, qu’il parle, mais seulement s’il ne doit pas d parler en l’air ou s’il ne risque pas la mort[2] ; mais qu’il n’use pas de violence pour renverser la constitution de sa patrie, quand on n’en peut obtenir de bonne qu’au prix de bannissements et de massacres ; qu’il reste alors tranquille et implore des dieux les biens pour lui et pour la cité.


Conseil à Denys.

C’est donc de cette façon que je pourrais vous donner mes conseils, et c’est ainsi que, d’accord avec Dion, j’engageais Denys tout d’abord à vivre chaque jour de manière à se rendre de plus en plus maître de lui-même e et à se gagner de fidèles amis et des partisans, pour que ne lui arrive pas l’aventure de son père. Ce dernier avait acquis en Sicile un grand nombre de villes importantes dévastées par les barbares. Mais il ne fut pas capable, après les avoir relevées, d’y constituer des gouvernements sûrs, aux mains d’amis qu’il aurait choisis, soit parmi les étrangers, d’où qu’ils vinssent, 332 soit parmi ses frères[3] qu’il

  1. Cf. Criton, 51 c : βιάζεσθαι δ’ οὐχ ὅσιον οὔτε μητέρα οὔτε πατέρα, πολὺ δὲ τούτων ἔτι ἧττον τὴν πατρίδα. — Ce thème du respect que les enfants doivent aux parents est encore développé dans le même sens au livre IV des Lois, 717 b et suiv.
  2. Cf. Lettre V, 322 b.
  3. Denys avait trois frères : Leptine, Théaride et Thesta. Les deux premiers surtout sont connus. Ils furent désignés par Denys comme chefs de la flotte. Leptine fut en défaveur durant quelque temps et partagea l’exil de Philistos, mais il recouvra bientôt l’amitié de son frère. — Voir sur ce sujet Diodore, XIV, 102 ; XV, 7.