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LETTRE VII

avait élevés lui-même, car ils étaient ses cadets, et que, de simples particuliers il avait fait chefs, et, de pauvres, prodigieusement riches. D’aucun d’eux, il ne put, malgré ses efforts, former un associé de son pouvoir, ni par la persuasion, ni par l’instruction, ni par ses bienfaits ou par l’affection de famille. En cela il se montra sept fois inférieur à Darius qui, lui, se fiant à des gens qui n’étaient ni ses frères, ni élevés par lui, mais seulement alliés de sa victoire sur l’eunuque mède, divisa son royaume en sept parties, chacune plus grande que b toute la Sicile, et trouva en eux des collaborateurs fidèles qui ne lui créèrent à lui aucune difficulté, pas plus qu’ils ne s’en suscitèrent les uns aux autres[1]. Il donna ainsi l’exemple de ce que devait être le bon législateur et le bon roi, car, grâce aux lois qu’il a données, il a conservé jusqu’à ce jour l’empire perse. Voyez encore les Athéniens. Ils ne colonisèrent pas eux-mêmes les nombreuses villes grecques envahies par les barbares, mais ils les prirent peuplées. Pourtant ils gardèrent le pouvoir c pendant soixante-dix ans, parce que dans toutes les villes ils possédaient des partisans. Mais Denys qui avait rassemblé toute la Sicile en une seule cité, ne se fiant dans sa sagesse à personne, se maintint avec peine, car il était pauvre d’amis et de gens fidèles. Or, il n’est pas de signe plus manifeste de vice ou de vertu que la pénurie ou l’abondance de tels hommes. Voilà bien aussi les conseils que Dion et moi donnions à Denys, puisque la situation que son père lui avait faite le privait et de la société que donne l’éducation d et de celle que procurent les bonnes relations. Nous l’exhortions à se préoccuper tout d’abord de s’assurer, parmi ses parents et les camarades de son âge, d’autres amis qui soient d’accord entre eux pour tendre vers la vertu, et surtout de faire régner l’accord en lui, car il en avait extraordinairement besoin. Nous ne parlions pas aussi ouvertement, — c’eût été dangereux —, mais à mots couverts, et nous insistions sur ce fait que c’était là le

  1. C’est à l’aide des six chefs des grandes familles seigneuriales de la Perse que Darius mit à mort le faux Smerdis, le mage Gaumata qui avait usurpé frauduleusement le pouvoir. Darius fut proclamé souverain. D’après Hérodote (III, 89), il divisa ses États, non en sept, comme le prétend Platon, mais en vingt satrapies. Toutefois ce nombre ne paraît pas déterminé de façon très ferme. D’après une inscription de Persépolis, il aurait été de vingt-quatre