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LETTRE VII

laissant prendre aux charmes de l’étude, Denys se désintéresserait du gouvernement et le lui confierait, et que lui, Dion, l’accaparant par ruse, en expulserait de cette façon Denys. Ces calomnies triomphèrent alors, comme elles triomphèrent quand elles furent une seconde fois colportées dans Syracuse : victoire du reste absurde et honteuse pour ceux qui en étaient les auteurs.

Qu’arriva-t-il donc ? Il faut qu’ils le sachent ceux qui réclament mon secours dans les affaires actuelles. d Moi, Athénien, ami de Dion et son allié, je vins chez le tyran dans le but de faire céder la discorde devant l’amitié. Mais je succombai dans ma lutte contre les calomniateurs. Et quand Denys, par des honneurs et des richesses, voulut m’attirer de son côté et faire de moi un témoin et un ami prêt à justifier l’exil de Dion, tous ses efforts échouèrent. Or, plus tard, revenant dans sa patrie, Dion emmena d’Athènes avec lui deux frères : e liaison que n’avait pas créée la philosophie, mais cette camaraderie courante, lien des amitiés vulgaires que font naître des rapports d’hospitalité ou des relations entre initiés aux différents mystères[1]. Voilà donc quels furent ses compagnons de retour, liés à lui par les motifs que j’ai dits et par l’aide qu’ils lui prêtèrent dans le voyage. Ils arrivèrent ainsi en Sicile. Là, s’apercevant que 334 Dion était, auprès de ces mêmes Siciliens qu’il avait libérés, suspect d’aspirer à la tyrannie, ils trahirent leur ami et leur hôte, mais bien plus, ils se firent, pour ainsi dire, ses propres meurtriers, en venant, les armes à la main, prêter leur aide aux assassins. Cette action honteuse et sacrilège, je ne la cache pas, mais je ne veux pas non plus la raconter (tant de gens se sont chargés de la chanter partout et s’en chargeront encore à l’avenir !). Mais b j’extirperai l’opinion répandue au sujet d’Athènes, que ces deux misérables auraient attaché une marque d’infamie à notre ville, car j’affirme que celui-là aussi était un Athénien, qui n’a jamais trahi Dion, alors qu’il lui eût été facile à ce prix de se procurer des richesses et tant d’autres honneurs. Ce n’est pas, en effet, une amitié vulgaire qui les unissait,

    paix. Gélon ne toucha pas aux colonies phéniciennes de Sicile, mais exigea des vaincus une indemnité de guerre de 2 000 talents et la construction de deux temples où fut déposé le texte du traité.

  1. Les termes μυεῖν, ἐποπτεύειν désignent l’initiation aux mystères