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LETTRE VII

en ressort : que Denys lui-même, ou que quelque autre de plus grande ou de moindre envergure, ait rédigé un livre sur les éléments primordiaux de la nature, il n’y a, à mon avis, dans ce qu’il a écrit, rien qui témoigne de saines leçons ou de saines études. Sans cela, il aurait eu, pour ces vérités, le même respect que moi et n’aurait pas osé les livrer à une publicité inopportune. Ce n’est pas pour se les rappeler qu’il les aurait écrites — on ne risque pas de les oublier quand e on les a une fois reçues dans l’âme, car il n’y a rien de plus court[1]. Ce serait plutôt par ambition, et alors bien méprisable, qu’il aurait exposé cette doctrine comme sienne ou qu’il se serait donné des airs de participer à une éducation dont il n’était pas digne, désireux de la gloire 345 que procure cette participation. Si un seul entretien avait suffi à Denys pour s’approprier tout cela, on pourrait s’expliquer la chose, mais comment est-ce arrivé ? Zeus le sait, comme dit le Thébain[2]. J’ai conféré avec lui de la manière que j’ai racontée, une seule fois, et jamais plus dans la suite. Qui veut connaître la façon dont les faits se sont vraiment passés doit se rendre compte maintenant du motif pour lequel nous n’avons eu ni seconde conversation, ni troisième, ni aucune autre : Denys, après m’avoir écouté une seule fois, croyait-il en savoir assez, et, en réalité, b en savait-il assez, renseigné qu’il était par ses propres découvertes ou par les leçons d’autres maîtres ? Ou pensait-il que mon enseignement était sans valeur, ou bien, troisième hypothèse, jugeait-il que ces leçons n’étaient pas pour lui, mais le dépassaient, et positivement se sentait-il incapable de mener une vie de sagesse et de vertu ? S’il juge ma doctrine insignifiante, il se met en opposition avec de nombreux témoins qui affirment le contraire et qui, en ces matières, pourraient être des juges beaucoup plus compétents que lui[3]. Avait-il inventé ou acquis ces connaissances ? Il pensait donc qu’elles ont du prix pour l’éducation d’une âme libre. Pourquoi alors, c à moins d’être un homme bien étrange, aurait-il si aisément dédaigné son guide et son maître ? Comment, en fait, il m’a dédaigné, je vais vous le narrer.

  1. Cf. Phèdre, 275 d, 278 a.
  2. Cf. Phédon, 62 a. Ἴττω Ζεύς, dit-on dans le dialecte béotien pour ἴστω.
  3. Cf. Lettre II, 314 b.