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LETTRE VII

vient de me dire, lui, et, sur son ordre, bien d’autres de ses partisans : il était consentant, lui, et moi, loin de vouloir entrer dans ses vues, je n’ai eu aucun souci des affaires de Dion. De plus, s’il lui répugne de me voir partir et si, sans donner d’ordre à quelque fréteur que ce soit, il laisse facilement entendre à tous 347 que je ne m’en vais pas de son plein gré, qui donc voudra m’embarquer[1], une fois que je me serai évadé du palais de Denys ? J’habitais, en effet, pour comble de malheur, dans le jardin attenant au palais, et jamais le portier ne m’aurait laissé sortir sans un ordre exprès de Denys. Si, au contraire, je reste cette année, je puis faire savoir à Dion dans quelle situation je me trouve et ce que je cherche à faire, et si Denys tient quelque peu ce qu’il promet, ma manière d’agir n’aura pas été b si ridicule, car la fortune de Dion, justement évaluée, ne s’élève pas à moins de cent talents. — Mais si les choses se passent comme on peut le prévoir actuellement avec vraisemblance, je ne saurai assurément quel parti prendre. Toutefois, il est peut-être nécessaire de patienter encore un an et de tenter l’expérience des faits pour démasquer les ruses de Denys. » — M’étant décidé, le lendemain je donnai ma réponse à Denys : « J’ai résolu de rester, mais je te prie pourtant, ajoutai-je, de ne pas me regarder comme le fondé de pouvoir de Dion. c Écrivons-lui tous deux nos décisions présentes, demandons-lui s’il les trouve suffisantes, et, dans le cas contraire, s’il désire et demande quelques changements, qu’il le fasse savoir le plus

    Voir aussi 341 c). Platon n’avait pas entrepris seul le voyage de Sicile. Speusippe, son neveu, l’accompagnait (Plutarque, Dion, c. 22) ainsi que Xénocrate (Diog. Laërce, IV|, 6). Il est probable que, parmi ses disciples, d’autres encore qui avaient connu Dion à l’Académie se trouvaient avec lui.

  1. Tandis que tous les manuscrits donnent la leçon ἄγειν ναύτην, la plupart des éditeurs comprenant difficilement le sens de ναύτην ont écrit ναύτης, faisant accorder ce mot avec τις. — Mais on peut lire cependant cette même expression dans Sophocle, Philoctète, 901 :

    Οὐ δή σε δυσχέρεια τοῦ νοσήματος
    ἔπεισεν ὥστε μή μ’ ἄγειν ναύτην ἔτι ;

    Est-ce réminiscence chez Platon ou simple coïncidence ? En tout cas, il n’y a aucune raison de rejeter la leçon des manuscrits. — Pour l’analogie de la situation entre les deux derniers voyages, cf. 329 e.