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LETTRE VIII

famille de Denys et d’Hipparinos veut, pour le salut de la Sicile, mettre un terme aux maux présents en acceptant ces dignités pour eux et leur descendance dans le présent et l’avenir, convoquez dans ce but, comme il a déjà été dit, des députés, ceux qu’ils voudront avec pleins pouvoirs pour conclure la réconciliation (qu’ils soient du pays même ou du dehors, ou qu’il y ait un mélange des deux) — et en aussi grand nombre qu’il leur plaira. Ces députés, à leur arrivée, commenceront par établir des lois d et une constitution suivant laquelle les rois, comme il convient, auront la haute direction des choses sacrées et de tout ce qu’il est décent de soumettre à d’anciens bienfaiteurs. Pour commander dans la guerre et la paix, il faut créer des gardiens de la loi, au nombre de trente-cinq, d’accord avec le peuple et le conseil. Il y aura des tribunaux spéciaux pour chaque sorte de cas, mais la peine de mort ou l’exil sera du ressort des trente-cinq. En outre, on choisira des juges, toujours parmi les magistrats de l’année précédente, e un dans chaque magistrature, celui qui paraîtra le meilleur et le plus juste : c’est à eux que reviendra la charge de prononcer au cours de l’année suivante sur la mort, l’emprisonnement, l’exil des citoyens. Il ne sera pas permis au roi d’être juge en pareilles causes : en qualité de prêtre, il doit être pur de meurtres, 357 d’emprisonnement et d’exil[1].

Tels étaient les plans que durant ma vie je formais pour vous, tels sont encore ceux que je poursuis. Après avoir triomphé avec vous de mes ennemis, si les Érinnyes sous un masque hospitalier ne m’eussent entravé, j’aurais certes mené jadis mon projet à bonne fin. Après quoi, c’est tout le reste de la Sicile que j’aurais colonisé, si les faits avaient répondu à mes désirs ; j’aurais chassé les barbares qui l’occupent

  1. Platon a déjà indiqué les grandes lignes de ce plan politique dans la Lettre VII (337 b et suiv.) Il le reprendra et le développera dans les Lois. Les divergences que l’on peut constater entre le dialogue et les Lettres ne portent que sur des points secondaires, mais l’esprit est le même. Un faussaire se serait appliqué à rapprocher les conceptions et aurait moins tenu compte des adaptations nécessitées par les circonstances. On peut comparer ce passage avec Lois VI, 752 d et suiv. sur le choix des « gardiens des lois » ; 762 c d et IX, 855 c sur la désignation des juges.