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MINOS OU SUR LA LOI

Le disciple. — Oui.

Socrate. — Sais-tu quels en furent les bons rois ? Minos et Rhadamanthe, fils de Zeus et d’Europe, et ce sont eux les auteurs de ces lois[1].

Le disciple. — Pour Rhadamanthe, on dit bien, Socrate, qu’il fut un homme juste, mais Minos, prétend-on, était farouche, dur, injuste.

Socrate. — C’est un mythe attique, très cher, que tu rapportes, une légende de tragédie.

eLe disciple. — Quoi ! N’est-ce pas ce qu’on raconte de Minos ?

Socrate. — Pas, du moins, Homère et Hésiode. Or, il faut les croire, eux, plus que toute cette bande de tragiques dont tu te fais l’écho.

Le disciple. — Et ces poètes, que disent-ils donc de Minos ?


La légende
de Minos.

Socrate. — Je vais te le répéter, afin que toi aussi, tu n’ailles pas, comme la plupart, tomber dans l’impiété : il n’y a rien de plus impie, en effet, et dont il faille se garder davantage que de pécher contre les dieux en paroles et en œuvres, — et en second lieu, contre les hommes divins. Mais ce qu’il faut éviter avec le plus grand soin, et toujours, c’est quand on va blâmer 319ou louer un homme, de dire des choses qui ne sont pas fondées. Aussi, faut-il apprendre à discerner les bons et les méchants. Dieu s’irrite, en effet, lorqu’on blâme celui qui lui ressemble ou qu’on loue celui qui lui est opposé : or, le premier, c’est l’homme de bien. Ne t’imagine pas que des pierres ou des morceaux de bois, des oiseaux et des serpents, puissent être sacrés, et qu’il n’y ait point d’homme à l’être. De toutes choses, au contraire, la plus sacrée est l’homme de bien ; la plus impure, le méchant.

Voici donc pour Minos, comment Homère et Hésiode chantent ses louanges. bJe vais te les rapporter, afin que toi, homme, fils d’homme, tu ne pèches pas en paroles contre un

  1. Historiquement, Minos semble avoir été un titre dynastique plutôt qu’un nom propre. Il y eut en Crète des Minos, comme en Égypte des Pharaons ou à Rome des Césars. Ces princes travaillèrent d’une façon remarquable à la prospérité et à la civilisation de leur pays. De là, la légende qui s’attache à leur nom (cf. Glotz, La civilisation égéenne, p. 172-185).