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THÉAGÈS

eJe l’ai dit tout cela, parce que, précisément, cette influence du signe divin est également souveraine sur mes relations avec mes disciples. Pour beaucoup, ce signe est défavorable, et ils n’ont aucun profit à retirer de leurs rapports avec moi : aussi, ne puis-je m’occuper d’eux. Il y en a encore beaucoup qu’il ne m’interdit pas d’accueillir, mais ces derniers n’y trouvent aucune espèce de secours. Quant à ceux dont la puissance démonique favorise les relations avec moi, ce sont eux que toi aussi tu as remarqués : ils font, en effet, rapidement de grands progrès. Parmi eux, les uns acquièrent cet avantage de façon ferme et durable. 130Un bon nombre, au contraire, progressent merveilleusement, tant qu’ils sont avec moi, mais à peine m’ont-ils quitté que, de nouveau, ils ne diffèrent en rien du premier venu. C’est ce qu’a éprouvé Aristide, fils de Lysimaque et petit-fils d’Aristide. Lorsqu’il était mon disciple, il avait fait des progrès extraordinaires en peu de temps. Puis survint une expédition, et il s’embarqua. À son retour, il trouva dans ma société Thucydide, fils de Mélésias et petit-fils de Thucydide[1]. bOr, la veille, Thucydide avait laissé échapper contre moi des paroles peu amicales. Donc, en me voyant, Aristide, après m’avoir salué et causé avec moi de différentes choses, me dit : « Et Thucydide ? J’entends raconter, Socrate, qu’il prend de bien grands airs avec toi et qu’il se fâche, comme s’il était quelque chose ». — « C’est vrai », répondis-je. — « Eh quoi ! reprit-il, ne sait-il pas quel esclave il était avant de se lier à toi ? » — « Apparemment non, par les dieux », répliquai-je. — « Tiens, mais moi-même, ajouta-t-il, je me trouve dans une situation bien ridicule, Socrate ». — c« Et pourquoi donc ? » lui demandai-je. — « Parce que, me dit-il, avant de m’embar-

  1. Les différents personnages mentionnés ici prennent part à la discussion du Lachès : Lysimaque et Mélésias présentent à Socrate leurs fils Aristide et Thucydide, et interrogent le philosophe sur le moyen de leur procurer la meilleure éducation possible. On voit à la fin du dialogue, que les deux jeunes gens sont accueillis dans la société habituelle de Socrate. Aristide est le petit-fils du grand Aristide, surnommé le Juste. Son père Lysimaque est mentionné par Démosthène (Contre Leptine, 115), comme ayant obtenu une haute récompense des Athéniens. Thucydide est le petit-fils, non de l’historien, mais d’un des chefs du parti aristocratique au ve siècle, rival de Périclès. Son père Mélésias figure parmi les Quatre-Cents (Thucyd. VIII, 86, 9).