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SISYPHE

découvrir ce qu’on a de mieux à faire sans le savoir encore clairement, mais en en ayant en partie l’idée ? Est-ce bien là ce que tu dis ?

Sisyphe. — Parfaitement.

Socrate. — Or, ce que les hommes recherchent des choses, est-ce bien ce qu’ils connaissent, ou aussi ce qu’ils cne connaissent pas ?

Sisyphe. — Les deux.

Socrate. — En disant que « les hommes recherchent les deux, et ce qu’ils savent et ce qu’ils ne savent pas[1] », entends-tu, par exemple, que quelqu’un, au sujet de Callistratos, sait qui est Callistratos, mais ignore où il se trouve ? Est-ce là ta pensée en disant : il faut chercher les deux ?

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — Donc ce que cet homme chercherait, ce ne serait pas précisément de connaître Callistratos, dpuisqu’il le connaît ?

Sisyphe. — Évidemment non.

Socrate. — Mais il chercherait où il se trouve.

Sisyphe. — C’est mon avis.

Socrate. — Il ne chercherait pas non plus où il pourrait le trouver, s’il le savait, mais il le trouverait aussitôt ?

Sisyphe. — Oui.

Socrate. — On ne cherche donc pas ce que l’on sait, mais ce que l’on ne sait pas, à ce qu’il paraît. Et si ce discours te semble éristique, Sisyphe, et n’avoir d’autre but que le seul plaisir de discuter, non la découverte de la vérité, vois encore de cette manière esi cela ne te semble pas être comme nous le disons : tu sais évidemment ce qui a lieu en

    aussi, qu’une devinette, et telle sera, en fait, la conclusion de la première partie.

  1. Le verbe ἐπίστασθαι, comme le verbe μανθάνειν, prêtait à toute sorte d’équivoques et les discours éristiques devaient surtout leur succès à ces confusions de mots qui aboutissaient à des conclusions ridicules. On pourra trouver quelques spécimens de ces véritables calembours dans le dialogue platonicien Euthydème. « Rechercher ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas » peut se dire, par exemple, du même individu que, d’une part, l’on connaît et dont on ignore, d’autre part, l’arrivée ou le lieu d’habitation. Aristote, dans ses Réfutations des raisonnements sophistiques, apprend à se dégager de ces propositions captieuses. Il apporte un exemple semblable à celui de Callistratos : ὥστ’ οὐκ εἰ οἶδα τὸν Κορίσκον, ἀγνοῶ δὲ τόν προσιόντα,