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ÉRYXIAS

faut faire ou non, 394qui réussissent le mieux et se trompent le moins ? » — Là-dessus, il fut aussi de mon avis. — « Donc ce sont les mêmes hommes qui nous paraissent à la fois les plus sages, les plus avisés dans leurs affaires, les plus heureux et les plus riches, si toutefois c’est la sagesse qui, de tous les biens, nous semble être le plus précieux ». — « Oui ».

— « Mais, Socrate, reprit Éryxias, à quoi servirait à l’homme d’être plus sage que Nestor, s’il n’avait même pas le nécessaire pour vivre, ben fait de nourriture, de boisson, de vêtements et de toute autre chose du même genre ? De quelle utilité lui serait la sagesse ? Comment pourrait-il être le plus riche, celui qui en serait presque réduit à mendier, puisqu’il manquerait des objets de première nécessité ? » — Il me sembla tout à fait que son objection était sérieuse. « Mais, répondis-je, celui qui possède la sagesse subira-t-il une telle infortune, s’il vient à manquer de ces biens ; et, au contraire, qui aurait la maison de Poulytion[1], cmême pleine d’or et d’argent, ne manquerait-il de rien ? » — « Qui l’empêche, reprit-il, de disposer de ces ressources et d’avoir aussitôt en échange tout ce dont il a besoin pour vivre, ou de l’argent qui lui permettra de se le procurer, et sur le champ de se munir de toutes choses en abondance ? » — « Oui, répliquai-je, à condition de tomber sur des hommes qui préfèrent une semblable maison à la sagesse de Nestor, dcar s’ils étaient capables d’apprécier davantage la sagesse humaine et ce qu’elle produit, le sage aurait un bien plus riche objet d’échange si, en cas de besoin, il voulait disposer de sa sagesse et de ses œuvres. L’utilité de la maison est-elle si grande et si impérieuse, importe-t-il tellement à la vie de

    fication du succès ou du « bien agir » au bonheur, devait faire partie, du reste, de la morale populaire : « le bien vers lequel toujours les hommes tendent, dit Aristote, est appelé par tous, par le vulgaire, comme par les savants, du même nom : le bonheur », et il ajoute : τὸ δ’ εὖ ζῆν καὶ τὸ εὖ πράττειν ταὐτὸν ὑπολαμβάνουσι τῷ εὐδαιμονεῖν (Eth. Nic. Α, 1095 a, 17-20).

  1. Poulytion était un riche Athénien dont la maison était célèbre par sa splendeur. Il fut un des complices d’Alcibiade dans la parodie des mystères (Plutarque, Alc. 19, 22). — Nous possédons deux vers de Phérécrate qui font allusion à la richesse et à la magnificence de cette maison (Comic. graec. frag. éd. Didot, p. 93). — Sur Poulytion, cf. aussi Andocide I, 12, 14 ; Isocrate, 16, 6…