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ÉRYXIAS

santé, s’abstenir des mets, des boissons et des autres prétendus plaisirs, et s’il n’en avait pas le courage à cause de son intempérance, ne serait-il pas préférable pour lui de ne pas avoir de quoi se les procurer, plutôt que de posséder en abondance ces commodités de la vie ? De cette sorte, il serait dans l’impossibilité de commettre des fautes, même s’il en avait le plus vif désir ».


Intermède.

Critias parut avoir bien parlé, — et si bien, que, cn’eut été une certaine pudeur qui le retenait devant l’assistance, Éryxias n’aurait pu s’empêcher de se lever pour aller le battre, tant il croyait avoir perdu à s’apercevoir clairement de la fausseté de son opinion sur la richesse. Mais moi, voyant l’attitude d’Éryxias et craignant qu’on en vînt aux injures et aux altercations, je pris la parole : « Ce raisonnement, naguère, au Lycée, un homme sage, Prodicos de Céos le soutenait[1], mais les assistants jugeaient qu’il disait des bêtises, dsi bien qu’il n’arrivait à persuader personne que telle était la vérité. Alors, un tout petit jeune homme s’avança. Il babillait agréablement et, s’asseyant, se mit à rire, à se moquer, à tourmenter Prodicos pour qu’il rendît raison de ses paroles. Je vous assure qu’il eut beaucoup plus de succès auprès des auditeurs que Prodicos ». — « Pourrais-tu nous rapporter la discussion ? » demanda Érasistratos. — « Tout à fait, pourvu que je m’en souvienne. eVoici je crois bien à peu près comment cela se passa.

Le jeune homme demandait à Prodicos en quoi, d’après lui, la richesse était un mal, en quoi elle était un bien. Celui-ci répondit comme tu viens de le faire : « Elle est un bien pour les gens honnêtes, pour ceux qui savent l’usage

    ἐλάττω πράττων ἐλάττω ἂν ἐξαμαρτάνοι, ἐλάττω δὲ ἁμαρτάνων ἧττον ἂν κακῶς πράττοι, ἧττον δὲ κακῶς πράττων ἄθλιος ἧττον ἂν εἴη — Or, lequel agira moins, le riche ou le pauvre ? — Le pauvre, dit-il… ».

  1. Il est peu probable que cette discussion ait un fondement historique. Le thème que l’auteur du dialogue prête à Prodicos était un lieu commun traité dans les écoles au ve et au ive siècle. Outre les développements analogues d’Euthydème (279 et suiv.) qui ont, sans doute, servi de modèle, voir Démocrite (Diels, Vorsokr. II, 55 B, 172 et 173) et les δισσοὶ λόγοι (Diels, II, 83, 1).