Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 3.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
401 e
106
ÉRYXIAS

que le corps dans son indigence réclame, elles nous seraient inutiles ces soi-disant richesses, à supposer qu’on n’éprouvât absolument aucun de ces besoins qui provoquent notre désir actuel de richesses, désireux que nous sommes de subvenir aux appétits et nécessités du corps toutes les fois qu’ils se font sentir[1]. Si c’est donc à cela que sert la possession des richesses, à satisfaire aux exigences du corps, supprimez ces exigences et les richesses ne nous seront plus nécessaires : peut-être même n’existeront-elles plus du tout ». — « Il le paraît ». — « Il nous paraît donc, sans doute, que toutes choses utiles à ce résultat sont des richesses ». — Il convint que c’étaient, en effet, des richesses, non toutefois sans être fort troublé par mon petit discours. — « Et de ceci, qu’en dis-tu ? Est-il possible 402que la même chose soit à l’égard de la même opération tantôt utile, tantôt inutile ? » — « Je n’oserais l’affirmer, mais si nous en avons besoin pour la même opération, elle me paraît être utile ; sinon, non ». — « Si donc nous pouvions fabriquer sans feu une statue de bronze, nous n’aurions nullement besoin de feu pour cette opération, et si nous n’en avions pas besoin, il ne nous serait pas utile. Le même raisonnement vaut pour tout le reste ». — « Il le paraît ». — b« Donc, tout ce sans quoi un résultat peut être atteint, tout cela nous paraît inutile pour ce résultat ». — « Inutile ». — « Par conséquent, s’il arrivait que jamais, sans or, sans argent, sans toutes ces choses dont nous ne faisons pas directement usage pour le corps, comme nous

    autre biais : admettons que la notion d’utilité constitue une notion générique plus large, englobant, à titre d’espèce, celle de richesse, de même que l’espèce homme se subsume sous le genre vivant. Il s’agira donc de déterminer le caractère spécifique qui distingue les richesses de toute autre chose utile. On essaiera d’aboutir par voie négative : que faudrait-il supprimer pour supprimer les richesses elles-mêmes ? Mais l’argumentation sophistique de Socrate, malgré l’apparence de logique, ne peut aboutir, car elle se place dans une hypothèse irréalisable, à savoir la possibilité de supprimer les nécessités corporelles. Elle sera reprise vers la fin du dialogue, avec des atténuations qui la rendront plus acceptable.

  1. Cf. Phédon, 66 c : Καὶ γὰρ πολέμους καὶ στάσεις καὶ μάχας οὐδὲν ἄλλο παρέχει ἢ τὸ σῶμα καὶ αἱ τούτου ἐπιθυμίαι· διὰ γὰρ τὴν τῶν χρημάτων κτῆσιν πάντες οἱ πόλεμοι γίγνονται· τὰ δὲ χρήματα ἀναγκαζόμεθα κτᾶσθαι διὰ τὸ σῶμα, δουλεύοντες τῇ τούτου θεραπείᾳ.