Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome XIII, 3.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
403 c
109
ÉRYXIAS

Intervention
de Critias
et discussion finale.

« Néanmoins, je jurerais que Critias n’est convaincu par aucun de ces discours ». « Non, par Zeus, répondit-il, et je serais bien fou de me laisser convaincre. dMais pourquoi ne pas achever ta démonstration : que ce qui en a l’apparence n’est pas richesse, l’or, l’argent et le reste ? Je suis ravi d’écouter ces discours que tu es en train de développer ». — « Oui, Critias, repris-je, tu parais ravi de m’entendre, comme on entend les rhapsodes qui chantent les vers d’Homère, puisque tu ne crois à la vérité d’aucun de mes discours. Cependant, voyons, qu’allons-nous dire de ceci ? Admettrais-tu que certains objets sont utiles aux architectes epour la construction des maisons ? » — « Il me le semble ». — « Or, ces objets que nous appellerions utiles, ne seraient-ils pas ceux dont ils se servent pour construire, les pierres, les briques, le bois, et autres matériaux du même genre ? et encore les outils au moyen desquels ils bâtissent la maison, et ceux qui leur permettent de se procurer ces matériaux, bois et pierres, et de plus les instruments nécessaires à la fabrication de ces outils[1] ? » — « Oui, répondit-il, tout cela me paraît être utile à ces différents buts ». — « N’en est-il pas de même pour les autres travaux ? Sont utiles, non seulement les matériaux que nous employons pour chacun d’eux, mais aussi tout ce qui nous permet de nous les procurer et sans quoi ils n’existeraient pas ? » — « Très certainement ». — « Et encore les instruments nécessaires à la fabrication des précédents, et d’autres avant ceux-ci, 404et ceux qui aident à se procurer ces derniers, et toujours de nouveaux en remontant plus haut, en sorte qu’aboutissant à une série sans fin, tout cela forcément nous semble utile pour l’accomplissement de ces travaux ? » — « Rien ne s’oppose à ce qu’il en soit ainsi ». — « Mais quoi ! si l’homme était pourvu de nourriture, de boisson, de vête-

  1. C’est la distinction que Platon a établie dans le Politique entre les arts producteurs et les arts auxiliaires. Ces derniers sont des causes adjuvantes ou des moyens nécessaires à la réalisation du but : Ὅσαι μὲν τὸ πρᾶγμα αὐτὸ μὴ δημιουργοῦσι, ταῖς δὲ δημιουργούσαις ὄργανα παρασκευάζουσιν, ὧν μὴ παραγενομένων οὐκ ἂν ποτε ἐργασθείη τὸ προστεταγμένον ἑκάστῃ τῶν τεχνῶν, ταύτας μὲν συναιτίοιυς, τὰς δὲ αὐτὸ τὸ πρᾶγμα ἀπεργαζομένας αἰτίας (281 d, e).