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ÉRYXIAS

ments, en un mot de tout ce qu’exige le service du corps, aurait-il encore besoin d’or, d’argent ou de toute autre chose pour se procurer ce qu’il a déjà ? » — « Je ne le crois pas ». — b« Ainsi, il y aurait des cas où l’homme ne semblerait avoir besoin d’aucune de ces richesses pour le service du corps ? » — « Non, en effet ». — « Et si elles semblent inutiles à cette opération, jamais elles ne sauraient apparaître de nouveau utiles ? car il a été établi qu’elles ne pouvaient être pour la même opération tantôt utiles, tantôt inutiles ». — « Mais de cette manière, dit-il, nous serions bien peut-être, toi et moi, du même avis, car s’il arrive qu’elles servent à ce but jamais elles ne pourraient redevenir inutiles. Je dirais plutôt que ctantôt elles aident à accomplir des œuvres mauvaises, tantôt, des œuvres bonnes[1] ». — « Mais se peut-il qu’une chose mauvaise soit utile à l’accomplissement de quelque bien ? » — « Il ne me paraît pas ». — « N’appellerions-nous pas choses bonnes celles que l’homme fait par vertu ? » — « Oui ». — « Mais l’homme serait-il capable d’apprendre quelqu’une des connaissances qui se communiquent par la parole, s’il était complètement privé de la faculté d’entendre quelque autre homme ? » — « Par Zeus, je ne le pense pas ». — « L’ouïe est donc de la catégorie de choses qui nous paraissent utiles en vue de la vertu, dpuisque c’est au moyen de l’ouïe que la vertu nous est communiquée par l’enseignement et que nous nous servons de cette faculté pour apprendre ? » — « Il le paraît ». — « Et si la médecine a le pouvoir de guérir les maladies, la médecine aussi devrait être rangée parfois parmi les choses utiles en vue de la vertu, puisque par elle on recouvrerait l’ouïe ? » — « Rien ne s’y oppose ». — « Et si à son tour, nous pouvions nous procurer la médecine grâce à la fortune, il est clair qu’alors la fortune serait utile en vue de la vertu ? » — e« Oui, c’est vrai », dit-il. — « Et de même aussi ce par quoi nous nous procurerions la fortune ? » — « Oui, absolument tout ». — « Ne

  1. La réponse de Critias marque le changement d’argumentation. La preuve que va donner Socrate revêt un double aspect : un aspect moral et un aspect logique. Ici on envisage le coté moral, et le principe sur lequel repose l’argument est le suivant : une chose mauvaise ne peut être dite utile à l’accomplissement d’un bien. Ce qui suppose cet autre principe sous-entendu : sinon, le mal participerait au