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DÉMODOCOS

bcomme on compare le porphyre et l’or, que l’on arrive à mieux juger. Pourquoi accorde-t-on du temps aux deux adversaires[1], ou pourquoi les juges doivent-ils jurer d’apporter la même attention aux deux[2], si le législateur ne supposait pas que les causes seraient ainsi mieux jugées et avec plus de justice ? Mais tu m’as l’air de n’avoir même jamais entendu parler de cette maxime si ressassée ». « Laquelle ? » dit-il.

c« Ne juge aucune cause avant d’avoir écouté les deux discours. Elle ne serait certainement pas aussi répandue si elle n’était juste et convenable. Je te conseille donc désormais, ajouta-t-il, de ne plus blâmer ou louer les hommes aussi témérairement ».

Le compagnon répliqua alors qu’il lui semblait bien étrange qu’on ne pût discerner la vérité ou l’erreur quand un seul parlait, et, quand deux parlaient, que cela devînt possible : dquoi ! on ne pourra apprendre la vérité de celui qui la dit, mais on peut s’en instruire en l’écoutant lui-même concurremment avec l’autre qui ment ? Et si un seul, celui qui dit les choses exactes et vraies, ne peut fournir l’évidence de ce qu’il affirme, deux, parmi lesquels le trompeur qui parle faussement, pourront fournir cette évidence que celui qui disait la vérité était incapable de fournir ?

« Voici, du reste, encore, dit-il, une autre difficulté : comment fourniraient-ils l’évidence ? En se taisant ou en parlant ? Si c’est en se taisant, on n’a même pas besoin d’en entendre un seul, bien loin de devoir entendre les deux. Si c’est en parlant, ecomme en aucune façon ils ne parlent tous deux, car c’est à chacun à son tour que l’on demande de parler, comment peuvent-ils tous deux en même temps fournir l’évidence ? Car s’ils la fournissent tous deux en même temps,

  1. La durée des plaidoyers, pour chacune des parties, était fixée par la clepsydre, et l’orateur ne pouvait être interrompu.
  2. Sur la teneur du serment, qui doit remonter à Solon, cf. Démosthène, De Corona, 2 et 6 : …ἀλλὰ τοὺς νόμους καὶ τὸν ὅρκον, ἐν ᾧ πρὸς ἅπασι τοῖς ἄλλοις δικαίοις καὶ τοῦτο γέγραπται τὸ ὁμοίως ἀμφοῖν ἀκροάσασθαι. Τοῦτο δ ἐστιν οὐ μόνον τὸ μὴ προκατεγνωκέναι μηδέν οὐδὲ τὸ τὴν εὔνοιαν ἴσην ἀμφοτέροις ἀποδοῦναι, ἀλλὰ καὶ τὸ τῇ τάξει καὶ τῇ ἀπολογίᾳ, ὡς βεβούληται καὶ προῄρηται τῶν ἀγωνιζμένων ἕκαστος, οὕτως ἐᾶσαι χρήσασθαι.