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DÉMODOCOS

il leur faudra parler aussi en même temps. Or, c’est ce qu’ils ne font pas. Il reste donc, si c’est en parlant qu’ils fournissent l’évidence, que chacun la fournisse en parlant à son tour, et c’est quand chacun parlera que chacun fournira cette évidence. Ainsi, l’un parlera d’abord, puis l’autre, et d’abord l’un fournira l’évidence, puis l’autre. Pourtant, si chacun en particulier fournit la même évidence, à quoi bon entendre encore le second ? Quand le premier a parlé, la lumière est déjà faite. 384De plus, ajouta-t-il, si les deux fournissent cette évidence, comment l’un des deux ne la fournirait-il pas ? car, si l’un des deux ne la fournit pas, comment les deux à la fois le pourraient-ils[1] ? Et si chacun d’eux la fournit, il est clair que celui qui parlera le premier la fournira aussi le premier. Ne suffit-il donc pas de l’entendre lui seul pour pouvoir connaître la vérité ? »

Pour moi, en les écoutant, j’étais dans l’embarras et incapable de décider entre eux. Les autres assistants déclarèrent que le premier disait vrai. Si donc tu le peux, aide-moi à résoudre ces questions : bsuffit-il d’entendre le premier qui parle, ou faut-il, en outre, écouter la partie adverse pour savoir qui a raison ? ou bien, n’est-il pas nécessaire de les entendre tous les deux ? Qu’en penses-tu[2] ?

Tout récemment, quelqu’un reprochait à un homme de n’avoir pas voulu lui prêter de l’argent et de n’avoir pas eu confiance en lui. L’accusé se défendait. Alors, l’un des assistants demanda à l’accusateur si le coupable était bien celui qui s’était défié de lui cet avait refusé de lui prêter :

  1. Ce sophisme est du genre de ceux qui sont souvent cités par les auteurs anciens et attribués aux dialecticiens de l’école de Mégare, spécialement à Eubulide : v. g. l’argument du tas (σωρείτης) : si un grain, ou deux, ou trois, ne constituent pas un tas, comment tel nombre donné, plutôt que tel autre, en constituerait-il un ? Ou encore l’argument du chauve : si l’absence d’un, de deux ou de trois cheveux ne fait pas qu’un homme soit chauve, à quel moment surviendra la calvitie ? (Sur ces arguments, cf. Diog. Laërce II, 108 ; VII, 82 ; Cicéron, Ac., II, 49 ; Horace, Ep. II, 1, 45).
  2. Le narrateur s’adresse-t-il ici, de même que dans la dernière dissertation (voir 386 c), à Démodocos ? Dans ce cas, c’est à ce per-