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DÉMODOCOS

N’est-ce pas toi, plutôt, ajouta-t-il, qui as tort, toi qui n’as pu persuader l’autre de te prêter[1] ?

Mais lui : en quoi aurais-je eu tort ? dit-il.

Lequel des deux, reprit le premier, te paraît avoir tort : celui qui manque le but visé, ou celui qui ne le manque pas ?

Celui qui le manque, répondit-il.

Or, dit l’autre, n’est-ce pas toi qui l’as manqué, toi qui voulais emprunter, et lui, qui t’a refusé, ne l’a nullement manqué ?

Oui bien, répondit-il. Mais comment aurais-je eu tort, moi, même si cet homme ne m’a rien donné ?

Parce que si tu lui as demandé ce qu’il ne fallait pas, comment ne vois-tu pas que tu as eu tort ? Et lui, qui t’a refusé, a bien fait. dEt si, réclamant de lui des choses qu’on pouvait demander, tu ne les as pas obtenues, comment, de toute nécessité, n’aurais-tu pas eu tort ?

Peut-être, dit-il. Mais l’autre, comment n’a-t-il pas eu tort, lui qui ne s’est pas fié à moi ?

Si tu avais agi avec lui comme il faut, tu ne serais nullement dans ton tort, n’est-ce pas ?

Nullement.

Alors, c’est que tu n’as pas agi avec lui comme il convenait.

Apparemment, dit-il.

Par conséquent, si n’agissant pas avec lui comme il fallait, tu n’es pas arrivé à le persuader, comment tes griefs contre lui seraient-ils légitimes ?

Je n’ai rien à répondre.

ePas même ceci qu’il ne faut tenir aucun compte de ceux qui agissent mal ?

Oui, dit-il, cela tout à fait.

Mais précisément, en n’agissant pas envers quelqu’un comme il convient, ne te semble-t-il pas qu’on agit mal ?

Je le crois, répondit-il.

Comment donc aurait-il eu tort, celui qui ne t’a pas écouté, si tu as mal agi envers lui ?

    sonnage muet que le même sophiste proposerait toute la série des απορίαι.

  1. On remarquera dans cette pièce, de même que dans la suivante, une esquisse de dialogue, tandis que les deux précédentes étaient de pures dissertations, sauf une ou deux répliques dans la deuxième.