Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/117

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de ne point nous laisser contaminer de sa nature, et de rester purs de ses souillures, jusqu’à ce que Dieu nous en délivre. Quand nous nous serons ainsi purifiés, en nous débarrassant de la folie du corps, nous serons vraisemblablement en contact avec les choses pures et nous connaîtrons par nous-mêmes tout ce qui est sans mélange, et c’est en cela sûrement que consiste le vrai ; pour l’impur, il ne lui est pas permis d’atteindre le pur. Voilà, j’imagine, Simmias, ce que doivent penser et se dire entre eux tous les vrais amis du savoir. N’es-tu pas de cet avis ?

— Absolument, dit Simmias.

XII. — Si cela est vrai, camarade, reprit Socrate, j’ai grand espoir qu’arrivé où je vais, j’y atteigne pleinement, si on le peut quelque part, ce qui a été l’objet essentiel de mes efforts pendant ma vie passée. Aussi le voyage qui m’est imposé aujourd’hui suscite en moi une bonne espérance, comme en tout homme qui croit que sa pensée est préparée, comme si elle avait été purifiée.

— Cela est certain, dit Simmias.

— Or purifier l’âme n’est-ce pas justement, comme nous le disions tantôt, la séparer le plus possible du corps et l’habituer à se recueillir et à se ramasser en elle-même de toutes les parties du corps, et à vivre, autant que possible, dans la vie présente et dans la vie future, seule avec elle-même, dégagée du corps comme d’une chaîne.

— Assurément, dit-il.

— Et cet affranchissement et cette séparation de l’âme d’avec le corps, n’est-ce pas cela qu’on appelle la mort ?

— C’est exactement cela, dit-il.

— Mais délivrer l’âme, n’est-ce pas, selon nous, à ce but que les vrais philosophes, et eux seuls, aspirent ardemment et constamment, et n’est-ce pas justement à cet affranchissement et à cette séparation de l’âme et du corps que s’exercent les philosophes ? Est-ce vrai ?

— Évidemment.

— Dès lors, comme je le disais en commençant, il serait ridicule qu’un homme qui, de son vivant, s’entraîne à vivre dans un état aussi voisin que possible de la mort, se révolte lorsque la mort se présente à lui.

— Ridicule, sans contredit.

— C’est donc un fait, Simmias, reprit Socrate, que les vrais philosophes s’exercent à mourir et qu’ils sont, de