Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/157

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personne d’Anaxagore un maître selon mon cœur pour m’enseigner la cause des êtres. Je pensais qu’il me dirait d’abord si la terre est plate ou ronde et après cela qu’il m’expliquerait la cause et la nécessité de cette forme, en partant du principe du mieux, et en prouvant que le mieux pour elle, c’est d’avoir cette forme, et s’il disait que la terre est au centre du monde, qu’il me ferait voir qu’il était meilleur qu’elle fût au centre. S’il me démontrait cela, j’étais prêt à ne plus demander d’autre espèce de cause. De même au sujet du soleil, de la lune et des autres astres, j’étais disposé à faire les mêmes questions, pour savoir, en ce qui concerne leurs vitesses relatives, leurs changements de direction et les autres accidents auxquels ils sont sujets, en quoi il est meilleur que chacun fasse ce qu’il fait et souffre ce qu’il souffre. Je n’aurais jamais pensé qu’après avoir affirmé que les choses ont été ordonnées par l’esprit, il pût leur attribuer une autre cause que celle-ci : c’est le mieux qu’elles soient comme elles sont. Aussi je pensais qu’en assignant leur cause à chacune de ces choses en particulier et à toutes en commun, il expliquerait en détail ce qui est le meilleur pour chacune et ce qui est le bien commun à toutes. Et je n’aurais pas donné pour beaucoup mes espérances ; mais prenant ses livres en toute hâte, je les lus aussi vite que possible, afin de savoir aussi vite que possible le meilleur et le pire.

XLVII. — Mais je ne tardai pas, camarade, à tomber du haut de cette merveilleuse espérance. Car, avançant dans ma lecture, je vois un homme qui ne fait aucun usage de l’intelligence et qui, au lieu d’assigner des causes réelles à l’ordonnance du monde, prend pour des causes l’air, l’éther, l’eau et quantité d’autres choses étranges. Il me sembla que c’était exactement comme si l’on disait que Socrate fait par intelligence tout ce qu’il fait et qu’ensuite, essayant de dire la cause de chacune de mes actions, on soutînt d’abord que, si je suis assis en cet endroit, c’est parce que mon corps est composé d’os et de muscles, que les os sont durs et ont des joints qui les séparent, et que les muscles, qui ont la propriété de se tendre et de se détendre, enveloppent les os avec les chairs et la peau qui les renferme, que, les os oscillant dans leurs jointures, les muscles, en se relâchant et se tendant, me rendent capable de plier mes membres en ce moment et que c’est la cause pour