Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/161

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raison qu’il le dépasse, et non par la quantité et à cause de la quantité ; ou bien encore qu’un objet de deux coudées est plus grand par la moitié qu’un objet d’une coudée, et non par la grandeur ? Car il y a en cela le même sujet de craindre.

— Sans doute, dit-il.

— Et si à un on ajoutait un, ne te garderais-tu pas de dire que c’est l’addition qui est cause qu’il est devenu deux ou que, si l’on a coupé un en deux, c’est la division ?

Et ne protesterais-tu pas tout haut que tu es sûr qu’une chose ne peut naître que d’une participation à l’essence propre de la chose dont elle participe, et qu’en ces deux cas, tu ne vois pas d’autre cause de la naissance du deux que sa participation à la dualité, que c’est à cette dualité que doit participer tout ce qui doit être deux, et à l’unité ce qui doit être un. Mais ces divisions, ces additions et autres subtilités du même genre, tu t’en désintéresserais et laisserais le soin de répondre à de plus savants que toi.

Pour toi, tu aurais, comme on dit, peur de ton ombre et de ton inexpérience ; tu t’en tiendrais au solide principe que nous avons établi, et tu répondrais comme j’ai dit. Si quelqu’un attaquait le principe lui-même, tu ne t’en inquiéterais pas et tu ne lui répondrais pas avant d’avoir examiné les conséquences qui découlent du principe et vu si elles s’accordent ou ne s’accordent pas entre elles. Et si tu étais obligé de rendre raison un principe lui-même, tu le ferais de même, en posant autre principe plus général, celui qui paraîtrait le meilleur, et ainsi de suite jusqu’à ce que en eusses atteint un qui fût satisfaisant. Mais tu ne t’embrouillerais pas comme les controversistes, en parlant à la fois du principe et des conséquences qui en découlent, si tu voulais découvrir quelque réalité ; car il n’est peut-être pas un d’eux qui parle ou s’inquiète de la réalité ; ils brouillent tout, et cependant, grâce à leur science, ils n’en réussissent pas moins à se plaire à eux-mêmes. Mais toi, si tu es philosophe, je pense que tu feras comme je dis.

— Rien de plus vrai que ce que tu avances, dirent en même temps Simmias et Cébès.

ÉCHÉCRATE

Par Zeus, PHÉDON, c’est bien ce qu’ils devaient répondre ; car Socrate me semble avoir fait un exposé qui est merveilleusement clair, même pour un homme de peu d’esprit.

PHÉDON