Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/176

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fleuve débouche d’abord dans un lieu qu’on dit terrifiant et sauvage, qui est tout entier revêtu d’une coloration bleu sombre. On l’appelle Stygien et Styx le lac que forme le fleuve en s’y déversant. Après être tombé dans ce lac et avoir pris dans son eau des propriétés redoutables, il s’enfonce sous la terre et s’avance en spirales dans la direction contraire à celle du Pyriphlégéthon, qu’il rencontre du côté opposé dans le lac Achérousiade. Il ne mêle pas non plus son eau à aucune autre, et lui aussi, après un trajet circulaire, se jette dans le Tartare, à l’opposite du Pyriphlégéthon ; son nom, au dire des poètes, est Cocyte.

LXII. — Telle est la disposition de ces fleuves. Quand les morts sont arrivés à l’endroit où leur démon respectif les amène, ils sont d’abord jugés, aussi bien ceux qui ont mené une vie honnête et pieuse que ceux qui ont mal vécu. Ceux qui sont reconnus pour avoir tenu l’entre-deux dans leur conduite, se dirigent vers l’Achéron, s’embarquent en des nacelles qui les attendent et les portent au marais Achérousiade. Ils y habitent et s’y purifient ; s’ils ont commis des injustices, ils en portent la peine et sont absous ; s’ils ont fait de bonnes actions, ils en obtiennent la récompense, chacun suivant son mérite. Ceux qui sont regardés comme incurables à cause de l’énormité de leurs crimes, qui ont commis de nombreux et graves sacrilèges, de nombreux homicides contre la justice et la loi, ou tout autre forfait du même genre, à ceux-là leur lot c’est d’être précipités dans le Tartare, d’où ils ne sortent jamais. Ceux qui sont reconnus pour avoir commis des fautes expiables, quoique grandes, par exemple ceux qui, dans un accès de colère, se sont livrés à des voies de fait contre leur père ou leur mère et qui ont passé le reste de leur vie dans le repentir, ou qui ont commis un meurtre dans des conditions similaires, ceux-là doivent nécessairement être précipités dans le Tartare ; mais lorsque après y être tombés, ils y ont passé un an, le flot les rejette, les meurtriers dans le Cocyte, ceux qui ont porté la main sur leur père ou leur mère dans le Pyriphlégéthon. Quand le courant les a portés au bord du marais Achérousiade, ils appellent à grands cris, les uns ceux qu’ils ont tués, les autres ceux qu’ils ont violentés, puis ils les supplient et les conjurent de leur permettre de déboucher dans le marais et de les recevoir. S’ils les fléchissent, ils y entrent et voient la fin de leurs