Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/179

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le comme il te plaira et de la manière qui te paraîtra la plus conforme à l’usage. »

LXV. — Quand il eut dit cela, il se leva et passa dans une autre pièce pour prendre son bain. Criton le suivit ; quant à nous, Socrate nous pria de l’attendre. Nous l’attendîmes donc, tantôt en nous entretenant de ce qu’il avait dit et le soumettant à un nouvel examen, tantôt en parlant du grand malheur qui nous frappait. Nous nous sentions véritablement privés d’un père et réduits à vivre désormais comme des orphelins. Quand il eut pris son bain, on lui amena ses enfants — il avait deux fils encore petits et un grand — et ses parentes arrivèrent aussi. Il s’entretint avec elles en présence de Criton, leur fit ses recommandations, puis il dit aux femmes et à ses enfants de se retirer et lui-même revint nous trouver. Le soleil était près de son coucher ; car Socrate était resté longtemps à l’intérieur. Après cela l’entretien se borna à quelques paroles ; car le serviteur des Onze se présenta et s’approchant de lui : « Socrate, dit-il, je ne me plaindrai pas de toi comme des autres, qui se fâchent contre moi et me maudissent, quand, sur l’injonction des magistrats, je viens leur dire de boire le poison. Pour toi, j’ai eu mainte occasion, depuis que tu es ici, de reconnaître en toi l’homme le plus généreux, le plus doux et le meilleur qui soit jamais entré dans cette maison, et maintenant encore je suis sûr que tu n’es pas fâché contre moi, mais contre les auteurs de ta condamnation, que tu connais bien. À présent donc, car tu sais ce que je suis venu t’annoncer, adieu ; tâche de supporter le plus aisément possible ce qui est inévitable. » Et en même temps il se retourna, fondant en larmes, pour se retirer. Alors Socrate levant les yeux vers lui : « Adieu à toi aussi, dit-il ; je ferai ce que tu dis. » Puis s’adressant à nous, il ajouta : « Quelle honnêteté dans cet homme ! Durant tout le temps que j’ai été ici, il est venu me voir et causer de temps à autre avec moi. C’était le meilleur des hommes, et maintenant encore avec quelle générosité il me pleure ! Mais allons, Criton, obéissons-lui ; qu’on m’apporte le poison, s’il est broyé, sinon qu’on le broie. »

Criton lui répondit : « Mais je crois, Socrate, que le soleil est encore sur les montagnes et qu’il n’est pas encore couché. D’ailleurs je sais que bien d’autres ne boivent le poison que longtemps après que l’ordre leur