Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/48

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. Il dit au médecin Érixymaque, assis au-dessous de lui : « Il faut, Érixymaque, ou que tu fasses cesser mon hoquet, ou que tu parles à ma place, en attendant qu’il cesse ». Érixymaque répondit : « Je ferai l’un et l’autre. Je parlerai à ta place, et quand tu seras débarrassé de ton hoquet, tu parleras à la mienne. Maintenant si tu veux bien, pendant que je parlerai, retenir ta respiration, peut-être en seras-tu quitte ; sinon, gargarise-toi avec de l’eau ; si ton hoquet résiste, prends quelque chose pour te gratter le nez et te faire éternuer, et, quand tu auras éternué une ou deux fois, si tenace que soit ton hoquet, il passera. Hâte-toi de prendre la parole, dit Aristophane ; de mon côté, le suivrai tes prescriptions ».

XII.- Alors Érixymaque prit la parole : « Il me paraît nécessaire, puisque Pausanias, après avoir bien débuté, n’a pas développé suffisamment son sujet, d’essayer de compléter son discours. J’approuve, en effet, la distinction qu’il a faite des deux Éros , mais la pratique de mon art, la médecine, m’a fait voir que ce n’est pas seulement dans les âmes des hommes, à l’égard des belles créatures, qu’Éros fait sentir sa puissance, qu’il a beaucoup d’autres objets et règne aussi sur les corps de tous les animaux, sur les plantes, en un mot sur tous les êtres, et qu’Éros est réellement un grand, un admirable dieu, qui étend son empire à toutes les choses divines et humaines (27). Je parlerai d’abord de la médecine, pour faire honneur à mon art.

La nature corporelle est soumise aux deux Éros  ; car ce qui est sain dans le corps et ce qui est malade sont, il faut bien le reconnaître, des choses tout à fait différentes, qui désirent et aiment des choses différentes. L’amour qui règne dans une partie saine diffère donc de celui qui règne dans une partie malade. Ainsi, de même qu’il est beau, comme le disait tout à l’heure Pausanias, d’accorder ses faveurs aux honnêtes gens, et honteux, aux débauchés, de même aussi, quand il s’agit du corps, il est beau et même nécessaire de complaire à ce qui est bon et sain dans chacun — et c’est précisément cela qu’on appelle la médecine ; — mais il est honteux de céder et il faut résister à ce qui est mauvais et maladif, si l’on veut être un habile praticien. La médecine, en effet, pour la définir d’un mot, est la science des mouvements amoureux du corps relativement à la réplétion et à la vacuité, et celui qui discerne dans ces mouvements le bon et le mauvais amour est le médecin le plus habile (28)