Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/62

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Au diable l’engagement ! je ne loue pas de cette façon-là : je ne pourrais pas. Cependant je consens, si vous voulez, à parler suivant la vérité, à ma manière, sans m’exposer au ridicule de lutter d’éloquence avec vous. Vois donc, Phèdre, si tu veux d’un tel discours, c’est-à-dire entendre la vérité sur Éros , avec des mots et des tours tels qu’ils se présenteront. » Phèdre et les autres le prièrent de parler, à la manière qui lui conviendrait.

« Permets-moi encore, Phèdre, dit Socrate, de poser quelques petites questions à Agathon, afin que, m’étant mis d’accord avec lui, je parte de là pour faire mon discours.— Je te le permets, dit Phèdre, questionne-le. »

Après cela, mon ami me dit que Socrate avait commencé à peu près ainsi :

XXI. — « C’est mon avis, cher Agathon, que tu as bien débuté en disant qu’il fallait montrer d’abord ce qu’est Éros , puis ce qu’il est capable de faire. J’aime fort ce début. Voyons donc, après tout ce que tu as dit de beau et de magnifique sur la nature d’Éros , que je te pose une question sur ce point. Est-il dans la nature de l’Amour (45) qu’il soit l’amour de quelque chose ou de rien ? Je ne demande pas s’il est l’amour d’une mère ou d’un père ; il serait ridicule de demander si l’Amour est l’amour qu’on a pour une mère ou un père ; mais si, par exemple, je demandais si un père, en tant que père, est le père de quelqu’un ou non, tu me dirais sans doute, si tu voulais répondre comme il faut, qu’un père est père d’un fils ou d’une fille, n’est-ce pas ? — Oui, répondit Agathon.— Ne dirais-tu pas la même chose d’une mère ? Agathon en convint aussi.— Laisse-moi donc, ajouta Socrate, te poser encore quelques questions afin de te rendre ma pensée plus sensible. Si je demandais : Voyons, un frère, en tant que frère, est-il ou n’est-il pas frère de quelqu’un ? — Il est frère de quelqu’un.— D’un frère ou d’une sœur ?— Sans doute, avoua-t-il.— Essaye donc aussi, reprit Socrate, à propos de l’Amour, de nous dire s’il est l’amour de quelque chose ou de rien.— Il est certainement l’amour de quelque chose.— Garde donc dans ta mémoire, dit Socrate, de quoi