Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/225

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SOCRATE

480b-481b Donc, pour nous défendre d’une accusation d’injustice, lorsque nous en avons commis une nous‑mêmes, ou nos parents, ou nos amis, ou nos enfants, ou notre patrie, la rhétorique n’est pour nous d’aucun usage, Polos, à moins qu’on n’admette au contraire qu’il faut s’accuser soi-même le premier, puis ses parents et ses amis, toutes les fois qu’ils ont commis quelque injustice, qu’il ne faut point cacher sa faute, mais l’exposer au grand jour, afin de l’expier et de recouvrer la santé, qu’on doit se faire violence à soi-même et aux autres pour ne pas reculer, mais pour s’offrir les yeux fermés et avec courage, comme on s’offre au médecin pour être amputé ou cautérisé, qu’il faut poursuivre le bon et le beau, sans tenir compte de la douleur, et, si la faute qu’on a commise mérite des coups, aller au‑devant des coups ; si elle mérite la prison, aller au-­devant des chaînes ; si elle mérite une amende, la payer ; l’exil, s’exiler ; la mort, la subir ; être le premier à déposer contre soi-même et contre ses proches et pratiquer la rhé­torique uniquement pour se délivrer, par la manifestation de ses crimes, du plus grand des maux, l’injustice. Est‑ce là, oui ou non, Polos, ce que nous devons dire ?

POLOS

Cela me paraît étrange, Socrate ; mais peut‑être est‑ce la conséquence de ce que nous avons dit précédemment.

SOCRATE

Ainsi donc, il faut, ou bien rétracter ce que nous avons dit, ou bien admettre ces conclusions ?

POLOS

Oui, la chose est ainsi.

SOCRATE

Prenons maintenant le cas contraire. Supposons qu’il faille faire du mal à quelqu’un, ennemi ou tout autre, — pourvu qu’on ne soit pas soi-même lésé par son ennemi, car il faut bien prendre garde à cela, — si donc c’est un autre que cet ennemi a lésé, il faut faire tous ses efforts, en actions et en paroles, pour qu’il ne soit pas puni et ne vienne pas devant le juge ; et, s’il y vient, il faut s’arranger pour qu’il échappe et ne soit pas puni, de sorte que, s’il a volé une grande quantité d’or, il ne le rende pas, mais le garde et le dépense pour lui-même et les siens d’une manière injuste et impie, et que, s’il a mérité la mort par ses crimes, il y échappe et, si c’est possible, qu’il ne meure jamais, mais soit immortel dans sa méchanceté, ou que du moins il vive le plus longtemps possible dans l’état où il est. Telles sont, 481b-482a