Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/285

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Archélaos sera du nombre, je puis te l’assurer, si Polos a dit vrai, ainsi que tout autre tyran pareil à lui. Je crois en effet que la plupart de ceux qui servent d’exemples sont des tyrans, des rois, des potentats et des hommes poli­tiques, car ce sont ceux‑là qui, grâce à leur pouvoir arbi­traire, commettent les crimes les plus graves et les plus impies. Homère lui-même en témoigne ; car ce sont des rois et des potentats qu’il a représentés comme éternelle­ment punis dans l’Hadès, Tantale, Sisyphe, Tityos 57. Quant à Thersite et aux autres méchants qui étaient de simples particuliers, personne ne les a représentés comme incurables et soumis comme tels aux grands châtiments ; c’est que, sans doute, le pouvoir leur manquait ; aussi étaient‑ils plus heureux que ceux qui l’avaient. C’est en fait, Calliclès, parmi les puissants que se trouvent les hommes qui deviennent extrêmement méchants. Rien n’empêche pourtant qu’il ne se rencontre parmi eux des hommes vertueux qu’on ne saurait trop admirer ; car il est difficile, Calliclès, et souverainement méritoire, quand on a pleine liberté de mal faire, de rester juste toute sa vie. Mais on rencontre peu de caractères de cette trempe. Il y a eu néanmoins dans cette ville et ail­leurs, et il y aura sans doute encore d’honnêtes gens pour pratiquer la vertu qui consiste à administrer avec justice les affaires qu’on leur confie. On en a même vu un qui est devenu très célèbre par toute la Grèce, Aristide, fils de Lysimaque. Mais la plupart des potentats, excellent Calliclès, deviennent des scélérats.

LXXXII. — Pour en revenir à ce que je disais, lorsque ce Rhadamanthe reçoit un de ces scélérats, il ignore tout de lui, qui il est et de quelle famille, sauf que c’est un méchant. Quand il s’en est assuré, il le relègue au Tartare, après avoir signalé par une marque s’il le juge guérissable ou incurable. Arrivé là, le coupable subit la peine qui convient à son état. D’autres fois, en voyant une âme qui a vécu saintement et dans la vérité, âme d’un simple citoyen ou de tout autre, mais particulièrement, je te l’affirme, Calliclès, d’un philosophe qui ne s’est occupé durant sa vie que de ses propres affaires, sans s’ingérer dans celles des autres, il s’abandonne à l’admiration et l’envoie dans les îles des Bienheureux. Eaque s’occupe du même office. Tous les deux jugent en tenant une baguette à la main. Quant à Minos, qui surveille ces jugements, il est assis et seul il a un sceptre d’or, comme l’Ulysse d’Homère rapporte qu’il l’a vu tenant un sceptre d’or et rendant la justice aux morts 58. Pour ma part, Calliclès, j’ajoute foi à ces récits, et je m’étudie à rendre mon âme aussi saine que possible pour la présenter au juge. Je n’ai cure des honneurs chers à la 526d-527d