Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

répète, ont pris prétexte de ces arts pour se mettre à l’abri de l’envie. Pour moi, je ne partage pas leur avis sur ce point, persuadé que je suis qu’ils ont entièrement manqué leur but ; car ceux qui détiennent le pouvoir dans les cités ne se laissent pas prendre à ces finesses imaginées pour eux ; quant à la foule, elle ne s’aperçoit pour ainsi dire de rien, elle répète seulement ce que ceux-ci lui font dire. Vouloir se dérober, comme un esclave marron, alors qu’on n’y peut réussir et qu’on est forcément découvert, c’est folie même de l’entreprendre, et cela ne peut aboutir qu’à renforcer la malveillance ; car c’est ajouter la fourberie aux autres griefs que le vulgaire a contre nous.

Aussi moi, je suis une voie toute différente : je confesse que je suis sophiste et que j’instruis les hommes, et je crois ma précaution meilleure que la leur, et qu’il vaut mieux avouer que nier. Outre cette précaution, j’en ai imaginé d’autres, de manière à éviter, avec l’aide de Dieu, les disgrâces que je pourrais encourir en me donnant pour sophiste. Il y a pourtant déjà bien des années que j’exerce cette profession, car le total de mes années est considérable, et il n’y en a pas un d’entre vous dont, par mon âge, je ne pusse être le père ; aussi rien ne peut me faire autant de plaisir, si vous le voulez bien, que de traiter toutes ces questions devant toute la compagnie qui est ici.

Alors moi qui me doutais bien qu’il voulait se faire valoir en montrant à Prodicos et à Hippias que nous étions venus pour l’amour de lui, je lui dis : Alors, il faut vite appeler Prodicos et Hippias et ceux qui sont avec eux, pour qu’ils nous écoutent ? — Oui, dit Protagoras. — Voulez-vous, dit Callias, que nous disposions des sièges pour une assemblée, afin que vous parliez assis ? Ce fut l’avis général. Et tous, joyeux à la pensée d’entendre parler des savants, nous avons pris nous-mêmes les bancs et les lits pour les disposer près d’Hippias ; car c’est là que se trouvaient déjà les bancs. A ce moment Callias et Alcibiade amenaient Prodicos qu’ils avaient fait lever de son lit, et les gens qui étaient avec lui.

IX. — Quand nous fûmes tous assis, Protagoras prit la parole : A présent, Socrate, que la compagnie est là, tu peux reprendre le sujet dont tu m’as touché un mot tout à l’heure à propos de ce jeune homme.

Je répondis : Je commencerai, Protagoras, comme tout à l’heure, par le but de notre visite. Hippocrate que voici est piqué du désir de se mettre à ton école, et il dit qu’il aimerait savoir quels avantages il retirera de ton commerce. Voilà tout ce que nous avons à te dire.

Protagoras reprit alors : Jeune homme, l’avantage que tu retireras de mon commerce, c’est que, quand tu auras passé un jour avec moi, tu retourneras chez toi