Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/60

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harmonieux, ils soient bien préparés pour la parole et pour l’action ; car toute la vie de l’homme a besoin de nombre et d’harmonie.

Après cela, on les envoie encore chez le maître de gymnastique, afin qu’ils aient un corps plus sain à mettre au service d’un esprit vertueux et ne soient pas des trembleurs à la guerre et ailleurs, par la faiblesse de leur constitution. Voilà ce qu’on fait pour l’éducation des enfants. Plus on le peut, plus on la soigne, et on le peut d’autant plus qu’on est plus riche, et ce sont les enfants des riches qui commencent le plus tôt à fréquenter l’école et qui la quittent le plus tard.

Quand ils sortent des mains des maîtres, la cité à son tour leur fait apprendre ses lois et régler leur conduite sur elles, comme sur un modèle, au lieu de les laisser faire à leur tête et suivre leur fantaisie. Tout comme les maîtres d’école tracent des lignes avec leur stylet pour les enfants qui ne savent pas encore écrire, puis leur mettent en main les tablettes et les font écrire en suivant ces lignes, ainsi la cité a tracé les lois inventées jadis par de vertueux législateurs, et elle exige qu’on gouverne et qu’on se laisse gouverner par ces lois, et punit ceux qui les transgressent ; et cette punition s’appelle chez vous et en beaucoup d’autres endroits redressement, parce que le but du châtiment est de redresser. Après tant de soins donnés à la vertu, en particulier comme en public, peux-tu bien t’étonner, Socrate, et douter que la vertu puisse être enseignée ? Loin de le trouver surprenant, il faudrait bien plutôt s’étonner du contraire.

XVI. — D’où vient donc que des hommes de mérite ont souvent des fils médiocres ? Apprends-en la raison. Il n’y a là rien que de naturel, s’il est vrai, comme je l’ai dit tout à l’heure, qu’il faut, pour que la cité subsiste, que tout le monde soit instruit dans cette science qu’est la vertu. Si donc ce que je dis est vrai, et il n’y a rien de plus vrai, considère parmi les autres occupations et les autres sciences celle qu’il te plaira. Supposons, par exemple, que la cité ne puisse exister qu’à la condition que nous soyons tous joueurs de flûte, chacun dans la mesure de nos moyens ; que dès lors chacun enseigne la flûte aux autres et en particulier et en public, réprimande celui qui joue mal, et fasse part de son talent, comme on fait part de sa connaissance de la justice et des lois, sans en faire mystère, comme on le fait dans les autres arts, nous trouvons en effet, j’imagine, notre avantage dans la pratique mutuelle de la justice et de la vertu, et c’est pour cela que chacun est porté à dire et à enseigner aux autres ce qui est juste et légal, supposons, dis-je, que nous ayons le même empressement sans réserve à nous enseigner mutuellement la flûte, penses-tu, Socrate, me dit-il,