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Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/288

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Sans doute.

SOCRATE

Mais, ne possédant ni intelligence, ni mémoire, ni science, ni opinion vraie, il est tout d’abord certain que tu ignorerais forcément si tu as du plaisir ou si tu n’en as pas, puisque tu es dénué de toute intelligence.

PROTARQUE

C’est forcé.

SOCRATE

Et de même, si tu n’avais pas de mémoire, tu ne pourrais même pas te rappeler que tu aies jamais eu du plaisir, ni garder le moindre souvenir du plaisir qui t’arrive dans le moment présent. Si, en outre, tu n’avais pas d’opinion vraie, tu ne pourrais pas penser que tu as du plaisir au moment où tu en as, et, si tu étais privé de raisonnement, tu ne serais même pas capable de calculer que tu auras du plaisir dans l’avenir. Ta vie ne serait pas celle d’un homme, mais d’un poumon marin ou de ces animaux de mer qui vivent dans des coquilles ! Est-ce vrai, ou peut-on s’en faire quelque autre idée ?

PROTARQUE

Comment le pourrait-on ?

SOCRATE

Eh bien, une pareille vie est-elle désirable ?

PROTARQUE

Ton argumentation, Socrate, me réduit en ce moment au silence absolu.

SOCRATE

Alors ne mollissons pas ; passons à la vie intelligente et considérons-la.

PROTARQUE

XI. — Quelle est cette sorte de vie dont tu parles ?

SOCRATE

Je demande si quelqu’un d’entre nous voudrait vivre, assuré d’avoir en toutes choses toute la sagesse, l’intelligence, la science et la mémoire qu’on peut avoir, mais sans avoir aucune part, ni petite ni grande, au plaisir, ni à la douleur non plus, et sans éprouver aucun sentiment de cette nature.

PROTARQUE