Aller au contenu

Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/435

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

c’est, on peut le dire, l’opinion d’un homme qui n’est pas versé dans les choses qu’il faut savoir. Mais n’y en a-t-il qu’un ou y en a-t-il en réalité cinq ? La question ainsi limitée, le doute est plus raisonnable. Quant à nous, nous déclarons que, selon toute vraisemblance, il n’y a qu’un seul monde, bien qu’on puisse, d’après d’autres considérations, être d’un autre avis. Mais laissons ce point de côté, et assignons les espèces que notre argumentation vient de mettre au jour au feu, à la terre, à l’eau et à l’air. Donnons à la terre la forme cubique ; car des quatre espèces la terre est la plus difficile à mouvoir et le plus tenace des corps, et ces qualités-là sont celles que doit particulièrement posséder le corps qui a les bases les plus stables. Or, dans les triangles que nous avons supposés à l’origine, la base formée par des côtés égaux est naturellement plus stable que celle qui est formée par des côtés inégaux, et des deux figures planes composées par les deux triangles, le tétragone équilatéral est nécessairement une base plus stable, soit dans ses parties, soit dans sa totalité, que le triangle équilatéral. Par suite, en attribuant cette forme à la terre, nous restons dans la vraisemblance, de même qu’en attribuant à l’eau la moins mobile de celles qui restent, la plus mobile au feu, et la figure intermédiaire à l’air, et aussi le plus petit corps au feu et par contre le plus grand à l’eau et l’intermédiaire à l’air, et encore le plus aigu au feu, le second sous ce rapport à l’air et le troisième à l’eau. Or de toutes ces figures, celle qui a le moins grand nombre de bases doit nécessairement avoir la nature la plus mobile ; c’est, de toutes, la plus coupante et la plus aiguë dans tous les sens, comme aussi la plus légère, puisqu’elle est composée du plus petit nombre des mêmes parties ; la seconde sous le rapport de ces qualités doit tenir la seconde place, et la troisième, la troisième place. Disons donc que, selon la droite raison et la vraisemblance, le solide qui a pris la forme de la pyramide est l’élément et le germe du feu, que celui que nous avons construit en second lieu est l’élément de l’air, et le troisième, celui de l’eau.

Or il faut se représenter ces éléments comme si petits qu’aucun d’eux, pris à part dans chaque genre, n’est visible à nos yeux, à cause de sa petitesse, et qu’ils ne le deviennent qu’en s’agrégeant en grand nombre pour former des masses. En outre, en ce qui regarde les proportions relatives à leur nombre, à leurs mouvements et à leurs autres propriétés, il faut penser que le dieu, dans la mesure où la nature de la nécessité s’y prêtait volontairement et cédait à la persuasion, les a partout réalisées avec exactitude et a ainsi tout ordonné dans une harmonieuse proportion.

D’après tout ce que nous avons dit plus haut sur les genres, voici, selon toute probabilité, ce qui se produit.