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Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/484

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110c-111c

Notre pays était alors habité par les différentes classes de citoyens qui exerçaient des métiers et tiraient du sol leur subsistance. Mais celle des guerriers, séparée des autres dès le commencement par des hommes divins, habitait à part. Ils avaient tout le nécessaire pour la nourriture et l’éducation ; mais aucun d’eux ne possédait rien en propre ; ils pensaient que tout était commun entre eux tous ; mais ils n’exigeaient des autres citoyens rien au-delà de ce qui leur suffisait pour vivre, et ils exerçaient toutes les fonctions que nous avons décrites hier en parlant des gardiens que nous avons imaginés.

On disait aussi, en ce qui concerne le pays, et cette tradition est vraisemblable et véridique, tout d’abord, qu’il était borné par l’isthme et qu’il s’étendait jusqu’aux sommets du Cithéron et du Parnès [4] , d’où la frontière descendait en enfermant l’Oropie sur la droite, et longeant l’Asopos à gauche, du côté de la mer [5]  ; qu’ensuite la qualité du sol y était sans égale dans le monde entier, en sorte que le pays pouvait nourrir une nombreuse armée exempte des travaux de la terre. Une forte preuve de la qualité de notre terre, c’est que ce qui en reste à présent peut rivaliser avec n’importe laquelle pour la diversité et la beauté de ses fruits et sa richesse en pâturages propres à toute espèce de bétail. Mais, en ce temps-là, à la qualité de ses produits se joignait une prodigieuse abondance. Quelle preuve en avons-nous et qu’est-ce qui reste du sol quelle qui justifie notre dire ? Le pays tout entier s’avance loin du continent dans la mer et s’y étend comme un promontoire, et il se trouve que le bassin de la mer qui l’enveloppe est d’une grande profondeur. Aussi, pendant les nombreuses et grandes inondations qui ont eu lieu pendant les neuf mille ans, car c’est là le nombre des ans qui se sont écoulés depuis ce temps-là jusqu’à nos jours, le sol qui s’écoule des hauteurs en ces temps de désastre ne dépose pas, comme dans les autres pays, de sédiment notable et, s’écoulant toujours sur le pourtour du pays, disparaît dans la profondeur des flots. Aussi comme il est arrivé dans les petites îles, ce qui reste à présent, comparé à ce qui existait alors, ressemble à un corps décharné par la maladie. Tout ce qu’il y avait de terre grasse et molle s’est écoulé et il ne reste plus que la carcasse nue du pays. Mais, en ce temps-là, le pays encore intact avait, au lieu de montagnes, de hautes collines ; les plaines qui portent aujourd’hui le nom de Phelleus [6] étaient remplies de terre grasse ; il y avait sur les montagnes de grandes forêts, dont il reste encore aujourd’hui des témoignages visibles. Si, en effet, parmi les montagnes, il en est qui ne nourrissent plus que des abeilles, il n’y a pas bien longtemps qu’on y coupait des arbres propres à couvrir les plus vastes constructions, dont les poutres existent encore. Il y avait aussi beaucoup de grands arbres à fruits et le sol produi-