Quand donc on se fait des opinions fausses, prend-on les choses qu’on sait, non pour ce qu’elles sont, mais pour d’autres que l’on sait, et bien qu’on connaisse les deux, les ignore-t-on toutes deux ?
C’est impossible, Socrate.
Mais alors prend-on les choses qu’on ne sait pas pour d’autres qu’on ne sait pas non plus, et se peut-il qu’un homme qui ne connaît ni Théétète ni Socrate se mette en tête que Socrate est Théétète, ou Théétète, Socrate ?
Comment cela se pourrait-il ?
On ne prend pas non plus, j’imagine, les choses qu’on sait pour celles qu’on ne sait pas, ni celles qu’on ne sait pas pour celles qu’on sait ?
Ce serait un prodige.
Cela étant, quel moyen reste-t-il de se former une opinion fausse ? En effet, en dehors des cas que j’ai cités, il est impossible de se former une opinion, du moment qu’il n’est rien que nous ne connaissions ou n’ignorions, et dans les cas cités, il est visible qu’il n’y a pas de place pour une opinion fausse.
Rien de plus vrai.
Peut-être alors n’est-ce pas ainsi qu’il faut considérer la question, et faut-il suivre une autre voie, et, au lieu du savoir et de l’ignorance, prendre l’être et le non-être.
Que veux-tu dire ?
Qu’on peut tout simplement affirmer que celui qui, sur n’importe quel objet, pense ce qui n’est pas ne peut avoir qu’une opinion fausse, quel que puisse être son état d’esprit à d’autres égards.