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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/48

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PLAUTE.

Sos. C’est cela. Où est à présent cette coupe ?

Merc. Dans un petit coffre scellé du cachet d’Amphitryon.

Sos. Et le cachet, que représente-t-il ?

Merc. Le soleil levant, avec un char. Crois-tu me surprendre en défaut, coquin.

Sos., à part. Toutes les preuves sont pour lui ; je n’ai plus qu’à chercher un autre nom. D’où a-t-il pu voir tout cela ? Mais je m’en vais bien l’attraper. Ce que j’ai fait tout seul, quand j’étais renfermé sans témoins dans notre tente, je défie bien qu’il puisse me le dire. (Haut.) Si tu es Sosie, qu’as-tu fait dans la tente pendant qu’on se battait ? Si tu le sais, je m’avoue vaincu.

Merc. Il y avait là un tonneau de vin ; j’en remplis une bouteille.

Sos. Ma foi, l’y voilà.

Merc. Et je l’avalai pur, tel que la nature nous le donne.

Sos. Je n’y comprends rien, à moins qu’il ne fût caché dans la bouteille. En effet, j’ai bu ce vin, et je l’ai bu pur.

Merc. Eh bien ! es-tu convaincu maintenant que tu n’es pas Sosie ?

Sos. Tu prétends que je ne suis pas Sosie ?

Merc. Sans doute ; à moins que je ne dise que je ne suis pas ce que je suis.

Sos. Je jure par Jupiter que je suis Sosie, et que je ne mens pas.

Merc. Et moi, je jure par Mercure que Jupiter ne te croira point ; et il ajoutera plus de foi à un seul mot de moi, qu’à tous tes serments.

Sos. Qui suis-je du moins, si je ne suis pas Sosie ? Dis-le-moi.

Merc. Quand je ne voudrai plus l’être, sois-le, cela m’est égal ; mais tant que je le suis, cède-moi la place, faquin, ou tu seras rossé.

Sos. Ma foi ! Quand je le regarde, et que je songe à ma figure telle que je l’ai vue souvent dans un miroir, il est tout mon portrait. Même chapeau, même habit ; tout est pareil. La jambe, le pied, la taille, les cheveux, les yeux, le nez, les dents, les lèvres, les joues, le menton, la barbe, le col, enfin tout ; s’il a, comme moi, des marques de coups de fouet sur le dos, on ne peut pas se ressembler davantage. Cependant, quand j’y songe, il me semble que je suis toujours le même, toujours moi ; je me porte bien, je suis dans mon bon sens, je connais mon maître, je vois notre maison ; qu’il en dise tout ce qu’il voudra, je vais frapper à la porte.

Merc. Où vas-tu ?

Sos. Hé ! chez nous.

Merc. Quand tu monterais dans le char de Jupiter pour t’enfuir, tu n’échapperais pas aux coups qui t’attendent.

Sos. Comment ? il ne m’est pas permis de m’acquitter auprès de ma maîtresse des commissions dont m’a chargé mon maître ?

Merc. Cherche ta maîtresse où tu voudras ; mais pour la mienne, qui est là dedans, je ne t’en laisserai pas approcher. Et si tu me fâches davantage, je te casserai les reins.

Sos. Allons-nous-en plutôt. Ayez pitié de moi, dieux immortels ! Où me suis-je perdu, où ai-je été changé ? où ai-je quitté ma figure ? Me suis-je laissé ici par oubli ? Il faut bien que cela soit. Car il a prit la figure que j’avais ; il la possède à présent ; il porte mon image : il me fait de mon vivant un honneur qu’on ne me fera jamais après ma mort. Allons ; je retournerai au port raconter à mon maître ce qui m’est arrivé. Pourvu qu’il n’aille pas me méconnaître à son tour ; ou plutôt veuille Jupiter qu’il me méconnaisse ! Comme je vais, dès aujourd’hui, me faire raser la tête pour prendre le bonnet des hommes libres !