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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/52

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PLAUTE.

que vous ; et, je vous le jure par tous les dieux, dans le premier moment je ne m’en croyais pas, moi, Sosie, jusqu’à ce que cet autre Sosie m’eût forcé de me croire. Il m’a raconté par ordre tout ce qui s’est passé pendant la campagne que nous venons de faire contre les ennemis ; il m’a pris ma figure avec mon nom. Deux gouttes de lait ne sont pas plus semblables, que nous le sommes tous deux. Comme vous m’aviez fait partir du port longtemps avant le jour pour me rendre à la maison…

Amph. Après ?

Sos. J’étais ici devant notre porte longtemps avant que d’être arrivé.

Amph. Quelles sont ces impertinences ? Es-tu dans ton bon sens ?

Sos. J’y suis parfaitement, comme vous voyez.

Amph. Il faut que quelque main ennemie ait jeté un sort sur ce pauvre homme, depuis qu’il m’a quitté.

Sos. Pour cela, j’en conviens ; car j’ai reçu force coups de poing.

Amph. Qui t’a frappé ?

Sos. Moi-même : j’entends le moi qui suis maintenant à la maison.

Amph. Je veux que tu ne fasses plus que répondre aux questions que je vais te faire. D’abord, commence par me dire qui est ce Sosie.

Sos. C’est votre esclave.

Amph. Eh ! bons dieux ! j’ai trop d’un Sosie ; et depuis que je suis au monde, tu es le seul Sosie que j’aie eu à mon service.

Sos. Permettez-moi de parler à mon tour. Amphitryon. Je vous dis qu’en arrivant à la maison, je vous ferai trouver un autre Sosie, fils de Dave, de mon propre père ; il est de mon âge, il a ma figure ; que vous dirai-je enfin ? votre Sosie est devenu double.

Amph. Tu me contes là des folies. Mais as-tu vu ma femme ?

Sos. Je n’ai jamais pu entrer au logis.

Amph. Qui t’en a empêché ?

Sos. Le Sosie, dont je vous parle depuis une heure, celui qui m’a assommé de coups.

Amph. Quel est donc ce Sosie ?

Sos. Moi, vous dis-je ; combien de fois faut-il vous le répéter ?

Amph. Qu’est-ce que cela signifie ? N’as-tu pas dormi, par hasard ?

Sos. Pas du tout.

Amph. Tu auras rêvé que tu auras vu ce prétendu Sosie.

Sos. Je ne dors point, je ne rêve point quand j’exécute les ordres d’un maître. J’étais bien éveillé quand je l’ai vu ; je suis bien éveillé à présent que je vous vois et que je vous parle ; j’étais même très-éveillé, et l’autre Sosie l’était aussi bien que moi, lorsqu’il m’a roué de coups.

Amph. Qui cela ?

Sos. Sosie, vous dis-je, le moi. Vous ne me comprendrez donc pas ?

Amph. Qui pourrait te comprendre, coquin que tu es, quand tu contes de pareilles balivernes ?

Sos. C’est bon ; vous allez bientôt faire connaissance avec lui.

Amph. Avec qui ?

Sos. Avec ce Sosie.

Amph. Allons, suis-moi. Il faut que je tâche d’éclaircir ce mystère. Auparavant, aie soin de faire apporter du vaisseau tout ce que je t’ai ordonné.

Sos. Comptez sur ma mémoire et sur mon exactitude ; rien ne sera omis. Je n’ai pas plus avalé vos ordres que je n’ai bu de vin.

Amph. Prie les dieux qu’ils te fassent la grâce qu’il n’y ait rien de vrai dans tout ce que tu m’as dit.

SCÈNE II.
ALCMÈNE, AMPHITRYON, SOSIE, THESSALA.

Alcm. Qu’il y a peu de plaisir dans la vie, au