Aller au contenu

Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
24
PLAUTE.

ver nulle part ; il n’était pas au vaisseau, je n’ai rencontré ni chez lui, ni dans la ville, personne qui ait pu m’en donner des nouvelles. J’ai visité toutes les places publiques, les gymnases, les boutiques des parfumeurs, le grand et le petit marché ; je suis allé à la palestre, au tribunal, chez les chirurgiens, chez les barbiers, dans tous les temples Point de Naucratès ; je suis hors d’haleine. A présent, je vais rentrer chez moi, et continuer mon enquête auprès de ma femme ; il faut enfin que je sache d’elle qui est l’infâme auquel elle s’est abandonnée. J’aimerais mieux mourir que de ne pas éclaircir cette affaire… Mais ils ont fermé la porte ! Allons ! fort bien !… ils se conduisent en cela comme dans tout le reste. Je vais frapper… Holà, quelqu’un ! holà !… Eh bien ! N’y a-t-il personne qui vienne m’ouvrir ?

SCÈNE II.
MERCURE AMPHITRYON.

Merc, dans la maison. Qui est là ?

Amph. C’est moi.

Merc. Qui, toi ?

Amph. Oui, moi.

Merc. Que Jupiter et tous les dieux te punissent, pour t’apprendre à briser ainsi notre porte !

Amph. Que veux-tu dire ?

Merc. Qu’ils fassent fondre sur toi un déluge de maux.

Amph. Sosie ?

Merc. Eh ! sans doute ; je suis Sosie. Crois-tu que je l’aie oublié. ? Que veux-tu ?

Amph. Comment ! scélérat, tu me demandes ce que je veux ?

Merc. Eh ! oui, je te le demande. Tu as manqué de faire sauter les gonds de la porte, animal. Crois-tu qu’on nous en fournisse d’autres aux frais de l’État ? Qu’as-tu à me regarder, imbécile ? Qu’est-ce que tu veux ? et qui es-tu ?

Amph. Maraud ! tu me demandes encore qui je suis, toi dont les épaules ont plus reçu de mes coups que l’Achéron n’a reçu d’âmes. Va, je te les échaufferai encore aujourd’hui pour tes impertinences.

Merc. Il faut que tu aies été, autrefois, bien prodigue dans ta jeunesse.

Amph. Pourquoi cela ?

Merc. Puisque dans ta vieillesse tu es réduit à mendier même des coups.

Amph. Ces bons mots te coûteront cher aujourd’hui, vil esclave.

Merc. Je veux t’honorer par un sacrifice.

Amph. Comment l’entends-tu ?

Merc. Je vais t’envoyer d’ici une offrande[1].

Amph. Tu me sacrifierais, toi, bourreau ! Si les dieux me conservent seulement jusqu’à ce soir, tu seras assommé sous les coups de lanières de cuir de bœuf, comme une victime de Saturne ; tu seras mis en croix, et tu éprouveras tous les supplices. Sors un peu pour voir, infâme drôle !

Merc. Crois-tu me faire peur avec tes menaces, vieux masque, vieux fantôme ! Si tu ne t’enfuis sur-le-champ, si tu frappes encore une fois, si je t’entends seulement gratter à la porte, je t’aplatirai si bien la tête avec cette tuile, que tu en cracheras la langue et les dents.

Amph. Gibier de potence, tu me défendras l’entrée de ma maison ! Tu crois m’empêcher de frapper à ma porte ! J’y frapperai si bien, que je l’arracherai avec ses gonds.

Merc. Ah ! tu continues.

Amph. Oui, je continue.

Merc. Eh bien ! tiens. (Il lui jette une tuile.)

Amph. Scélérat ! sur ton maître ? Si je te saisis, je te ferai subir un châtiment dont tu te souviendras toute ta vie.

  1. Ce qui suit jusqu’à la scène v entre Blépharon, Amphitryon, et Jupiter, n’est point de Plaute, suivant quelques critiques célèbres ; mais cette opinion ne parait pas fondée. A. F.