Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/682

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SO. Ah ! c’est fait de moi ! Et pourquoi ?

GE. Il en aime une autre.

SO. Malheureuse que je suis !

GE. Et il ne s’en cache pas. Il l’a enlevée lui-même en plein jour à un marchand d’esclaves.

SO. (330) Est-ce bien sûr ?

GE. Très sûr ; je l’ai vu, de mes propres yeux vu, Sostrate.

SO. Ah ! malheureuse ! Que croire désormais ? à qui se fier ? Eschine, notre Eschine ? notre vie à tous, notre seul appui ? lui sur qui reposaient toutes nos espérances ? qui jurait qu’il ne pourrait jamais vivre un seul jour sans elle ? qui avait promis de porter l’enfant dans les bras de son père, (335) et de le supplier si bien, qu’il obtiendrait de l’épouser ?

GE. Il ne s’agit pas de pleurer, madame. Voyons plutôt ce que nous avons à faire en cette circonstance. Courberons-nous la tête, ou irons-nous nous ouvrir à quelqu’un ?

CA. Oh ! oh ! Mon garçon, as-tu perdu la tête ? Sont-ce là de ces choses qu’on divulgue jamais ?

GE. Ce n’est pas trop mon avis. Qu’Eschine nous ait tourné le dos, c’est évident ; la chose parle d’elle-même. (340) Maintenant, si nous allons tout divulguer, il niera, j’en suis sûr. Ce serait compromettre l’honneur et le repos de votre fille. Et quand il avouerait, on n’ira pas lui donner celle-ci, puisqu’il en aime une autre. De toutes les manières il vaut donc mieux se taire.

SO. Ah ! point du tout ; je n’en ferai rien.

GE. Que dites-vous ?

SO. Je parlerai.

CA. Ah ! ma bonne maîtresse, regardez-y à deux fois.

SO. (345) Peut-il nous arriver pis que ce qui nous arrive ? Ma fille n’a point de dot ; ce qui pouvait lui en tenir lieu, elle l’a perdu : on ne peut plus la marier comme fille. Il me reste une ressource : s’il nie, j’ai pour témoin l’anneau qu’il nous a laissé. Enfin, puisque je n’ai rien à me reprocher, (350) et qu’il n’y a eu dans cette affaire ni motif d’intérêt, ni autre, indigne d’elle et de moi, Géta, je courrai la chance d’un procès.

GE. Au fait, vous avez raison ; parlez-en, c’est le mieux.

SO. Toi, cours vite chez notre parent Hégion, et conte-lui bien toute l’affaire d’un bout à l’autre. Il était intime ami de mon pauvre Simulus, et nous a toujours témoigné beaucoup d’affection

GE. C’est en effet le seul homme qui s’intéresse à nous.

SO. Dépêche : et toi, ma chère Canthare, (355) cours chez la sage-femme, afin qu’on ne l’attende pas quand on aura besoin d’elle.


SCENE III (Déméa, puis Syrus)

DE. Je suis perdu ! On m’a dit que Ctésiphon avait pris part à l’enlèvement avec Eschine. Il ne manque plus à mon malheur que de voir celui qui est bon à quelque chose se laisser débaucher par l’autre. (360) Où le trouver à présent ? On l’aura entraîné dans quelque mauvais lieu. C’est ce libertin qui l’aura décidé, j’en suis sûr. —— Mais voilà Syrus ; je vais savoir où il est. Oui, le drôle est de la bande ; s’il se doute que je cours après lui, il ne me le dira jamais. (365) Ne faisons semblant de rien.

SY. Nous venons de conter au bonhomme toute