PISTOCLÈRE. Si elle s’en souvient ? Elle n’a rien de plus cher au monde.
CHRYSALE. Bravo !
PISTOCLÈRE. Et tu ne sais pas ? elle se consume d’amour et de regret.
CHRYSALE. À merveille.
PISTOCLÈRE. Enfin, Chrysale, elle n’est pas un moment sans prononcer son nom.
CHRYSALE. Brave Bacchis !
PISTOCLÈRE. Enfin…
CHRYSALE. Enfin, j’aime mieux m’en aller.
PISTOCLÈRE. Es-tu fâché d’apprendre que les affaires de ton maître sont en bon chemin ?
CHRYSALE. Ce n’est pas mon maître, c’est l’acteur qui m’est insupportable. Ainsi, l’Épidicus, une pièce que j’aime comme la prunelle de mes yeux, il n’y en a pas que je trouve plus assommante quand c’est Pollion qui la joue. Et Bacchis vous semble-t-elle jolie ?
PISTOCLÈRE. Tu le demandes ? Si je ne possédais Vénus en personne, je voudrais la nommer ma Junon.
CHRYSALE. Par ma foi, mon cher Mnésiloque, à la façon % dont les choses s’arrangent, je crois que vous aurez qui aimer ; reste à trouver de quoi donner. Il nous faudra sans doute de l’or.
PISTOCLÈRE. De bons philippes.
CHRYSALE. Et peut-être même en faut-il déjà.
PISTOCLÈRE. C’est même un peu tard. Le militaire sera ici d’un moment à l’autre.
CHRYSALE. Un militaire, pour nous achever de peindre.
PISTOCLÈRE. C’est lui qui exige de l’or pour renoncer à Bacchis.
CHRYSALE. Qu’il vienne quand il voudra et qu’il ne me fasse pas attendre. Nous avons notre affaire, et je ne crains pas d’en être réduit à supplier personne, tant que mon génie inventif ne se sera pas rouillé. Entrez, je vais m’occuper de cela, et dites à Bacchis que Mnésiloque arrive.
PISTOCLÈRE. Je n’y manquerai pas. (Il sort.)
CHRYSALE. Quant aux finances, c’est mon affaire. Nous rapportons d’Éphèse douze cents philippes d’or, qu’un étranger devait à notre vieillard ; il faut aujourd’hui même imaginer quelque bon tour, et faire passer une partie de la somme dans la poche de notre jeune amoureux. Mais notre porte s’ouvre : qui est-ce qui sort ?