PYRGOPOLINICE. De la résignation.
PALESTRION. Ah ! je sais bien ce que je souffre.
PHILOCOMASIE, comme revenant à elle. Qu’est-ce donc ? qu’y a-t-il ? que vois-je ? O lumière du jour, je te salue.
PLEUSIDE. Avez-vous repris vos sens ?
PHILOCOMASIE. Mais quel homme tenais-je donc embrassé ? Je suis perdue ! suis-je bien à moi ?
PLEUSIDE. Ne crains rien, mon cher cœur. (Il l’embrasse.)
PYRGOPOLINICE. Qu’est-ce à dire ?
PALESTRION. Elle avait perdu connaissance. Je tremble de peur… (Bas à Pleuside.) que tout ne se découvre à la fin.
PYRGOPOLINICE. Quoi donc ?
PALESTRION. De transporter ainsi en plein jour tout ce bagage par la ville : les gens peuvent vous critiquer.
PYRGOPOLINICE. C’est de mon bien, et non du leur, que j’ai fait cadeau. Je me soucie d’eux comme de cela ; partez donc, allez, et que les dieux vous protégent.
PALESTRION. Ce que j’en dis, c’est à cause de vous.
PYRGOPOLINICE. Je le crois.
PALESTRION. Adieu donc.
PYRGOPOLINICE. Adieu, porte-toi bien.
PALESTRION, aux autres. Partez vite, je vous suis à l’instant, j’ai encore deux ou trois mots à dire à mon maître. (Pleuside et Philocomasie partent.) Quoique vous ayez toujours accordé plus de confiance à d’autres qu’à moi, je ne vous suis pas moins reconnaissant de tout, et, si ç’avait été votre volonté, j’aurais mieux aimé cent fois être votre esclave que l’affranchi d’un autre.
PYRGOPOLINICE. Prends courage.
PALESTRION. Hélas ! quand je pense à un si grand changement d’habitudes ! Il va falloir me faire aux manières des femmes, oublier les mœurs militaires.
PYRGOPOLINICE. Comporte-toi bien.
PALESTRION. Je ne le peux plus ; j’en ai perdu toute envie.
PYRGOPOLINICE. Va, suis-les, ne les retarde pas.
PALESTRION. Portez-vous bien.
PYRGOPOLINICE. Porte-toi bien aussi.
PALESTRION. Souvenez-vous de moi ; si je deviens libre un jour, je vous le ferai savoir ; ne m’abandonnez pas.
PYRGOPOLINICE. Je ne suis pas fait ainsi.
PALESTRION. Songez quelquefois combien je vous ai été fidèle. Vous reconnaîtrez enfin parmi vos serviteurs les bons et les mauvais.