Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/15

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CHARINUS. Dis-moi, y a-t-il au monde un bien dont on puisse jouir sans que le mal s’y mêle, ou que l’on puisse se procurer sans peine ?

ACANTHION. Je ne connais rien à cela. Je n’ai pas appris la philosophie, je n’y entends rien, et je ne désire pas qu’on me donne un bien, s’il faut qu’un mal s’y ajoute.

CHARINUS. Allons, Acanthion, ta main.

ACANTHION. Hum ! tenez, la voilà.

CHARINUS. Veux-tu être gentil garçon, ou non ?

ACANTHION. Vous en avez de bonnes preuves, quand je me suis crevé à courir pour vous, pour vous informer au plus vite de ce que je savais.

CHARINUS. D’ici peu de mois, je ferai de, cette tête une tête libre.

ACANTHION. Vous me la donnez belle.

CHARINUS. Voudrais-je jamais te dire un mensonge ? Je n’ai pas encore ouvert la bouche, que tu sais déjà si je veux mentir.

ACANTHION. Ah ! par Hercule, vos paroles redoublent ma fatigue ; vous m’assassinez.

CHARINUS. Est-ce ainsi que tu me sers ?

ACANTHION. Que faut-il donc faire ?

CHARINUS. Ce qu’il faut faire ? ce que je veux.

ACANTHION. Et que voulez-vous ?

CHARINUS. Je te le dirai.

ACANTHION. Parlez.

CHARINUS. Plus bas.

ACANTHION. Vous craignez de troubler le somme des spectateurs ?

CHARINUS. Malheur à toi !

ACANTHION. Voilà justement ce que je vous apporte du port.

CHARINUS. Qu’est-ce que tu apportes ? Parle.

ACANTHION. Un coup terrible, la crainte, le tourment, le souci, les querelles et le besoin.

CHARINUS. Hélas ! c’est un trésor de maux que tu m’apportes là. Je suis mort.

ACANTHION. Non, mais vous êtes…

CHARINUS. Je devine, je suis malheureux.

ACANTHION. C’est vous qui l’avez dit, et non pas moi.

CHARINUS. Quel malheur y a-t-il donc ?

ACANTHION. Ne le demandez pas : le plus grand des malheurs.

CHARINUS. De grâce, tire-moi d’angoisse, c’est trop longtemps être en suspens.