Il me prend fantaisie de vous remettre en idée l’Achille d’Aristarque[1] ; j’emprunterai donc mon début à cette tragédie. « Silence, taisez-vous, et faites attention. » Le général de la troupe vous commande d’ouvrir les oreilles ; il veut que tout le monde prenne place avec bienveillance sur ces bancs, ceux qui ont le ventre vide comme ceux qui sont venus la panse pleine. Vous qui avez dîné, vous êtes les plus sages ; vous qui êtes à jeun, rasassiez-vous de nos fables. Celui qui a chez soi de quoi manger est bien sot de venir pour nos beaux yeux assister au spectacle l’estomac creux. Debout, héraut, commande au peuple le silence. Il y a une heure que j’attends pour voir si tu sais ton métier. Exerce ce gosier qui te donne le vivre et l’habit ; si tu ne cries pas, si tu restes bouche close, la faim se coulera à tes côtés… Bon, assieds-toi à présent, pour avoir double salaire. (Aux spectateurs.) Grand bien je vous souhaite, si vous respectez mes édits. Que pas une coureuse sur le retour ne vienne s’asseoir sur le devant du théâtre ; que les licteurs et leurs verges restent muets ; que le placeur ne glisse pas devant le monde pour conduire quelqu’un à son gradin tandis que les comédiens sont en scène. Que ceux qui ont dormi tard chez eux, comme des loirs, se tiennent sur leurs jambes sans se plaindre, ou bien qu’ils ne soient pas si dormeurs. Que les esclaves n’envahissent pas les banquettes, mais qu’ils laissent la place aux hommes libres, ou bien qu’ils se rachètent ; s’ils n’en ont pas le moyen, ils n’ont qu’à s’en aller chez eux : ils évite-
- ↑ Poète grec, contemporain d’Euripide ; il avait fait soixante-dix tragédies, son Achille avait été traduit par Ennius,