HANNON. Parle, quelle est ton envie ? Assurément je suis tout à ton service. De quoi s’agit-il ?
MILPHION. Pouvez-vous faire le malin ?
HANNON. Avec un ennemi, oui ; mais avec un ami ce serait une sottise.
MILPHION. Ah ! il s’agit d’un ennemi de celui-là (il montre Agorastoclès).
HANNON. J’aurais plaisir à lui faire du mal.
MILPHION. Il aime une fillette chez un marchand d’esclaves.
HANNON. Il fait bien.
MILPHION. Ce marchand demeure ici, c’est notre voisin.
HANNON. J’aurais plaisir à lui faire du mal.
MILPHION. Il a deux jeunes courtisanes, deux sœurs ; Agorastoclès est éperdument épris d’une des deux, dont il n’a jamais eu les faveurs.
HANNON. Voilà un amour dont les fruits sont amers.
MILPHION. Le marchand s’amuse à le tourmenter.
HANNON. Il fait son métier.
MILPHION. Agorastoclès veut lui jouer un tour.
HANNON. C’est un brave garçon s’il fait cela.
MILPHION. Voici donc de quoi je m’avise, voici les batteries que je dresse. Nous vous envoyons là, vous dites que ce sont vos filles, qu’on vous les a volées toutes petites à Carthage, vous les réclamez à titre de personnes libres, comme si c’étaient vos deux enfants : comprenez-vous ?
HANNON. Si je comprends ? n’ai je pas deux filles comme cela, qui m’ont été volées toutes petites avec leur nourrice ?
MILPHION. Vous jouez, ma foi, la comédie à merveille, voilà un début qui me plaît.
HANNON. Plus que je ne voudrais, par Hercule !
MIPLHION. Hé ! l’adroit compère ! est-il malin, et vif, et fin, et rusé ! comme il pleure pour assurer le succès ! voilà qu’il me surpasse déjà en fourberie, moi l’inventeur !
HANNON. Mais quelle mine a leur nourrice ? dépeins-la-moi.
MILPHION. Pas grande de taille, un teint basané.
HANNON. C’est elle.
MILPHION. Jolie tournure, bouche petite, œil tout noir.
HANNON. Ah ! la voilà toute crachée.
MILPHION. Voulez-vous la voir ?
HANNON. J’aimerais mieux voir mes filles. Mais va, appelle-les, que je sache si ce sont elles. Si c’est la nourrice, elle me reconnaîtra tout de suite.