Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et je ferais main basse de préférence sur ce qui lui plairait, et je ne renoncerais pas pour lui à un coup de dent. A table, ou ne doit d’égards à personne, on y combat pour sa patrie et ses dieux.

PHILTON. Tu parles d’or.

STASIME. Je ne veux pas vous tromper : je lui céderais le milieu de la rue, les côtés, les honneurs publics ; mais pour ce qui est du ventre, non ma foi, je ne lui en céderais pas long comme cela, à moins d’être vaincu par lui à coups du poings. Avec le prix des denrées, un repas est un héritage sans les charges[1].

PHILTON. Ne perdez pas de vue, Lesbonicus, que le meilleur est de compter parmi les honnêtes gens ; si on ne le peut, au moins faut-il en approcher le plus possible. Quant à cette alliance que je vous propose et que je vous demande, je vous prie, d’y consentir et de l’accepter, Lesbonicus. Les dieux sont riches ; c’est aux dieux que siéent les rangs et les grandeurs : mais nous, chétifs humains, nous n’avons que le souffle, pt dès que nous l’avons rendu, le mendiant et le richard dans l’Achéron sont mis sur le pied d’égalité par la mort.

STASIME. Belle merveille si vous n’emportez pas là-bas richesses ! Quand on est mort, on est ce qui s’appelle mort.

PHILTON. Maintenant, pour vous faire voir qu’il ne s’agit ici ni de rang ni de fortune, et que nous ne faisons pas fi de votre amitié, je vous demande votre sœur sans dot pour mon fils. Puisse notre alliance être heureuse ! Me donnez-vous parole ? vous vous taisez ?

STASIME. Dieux immortels ! un pareil parti !

PHILTON. Répondez donc : « Que les dieux nous bénissent ! je m’engage. »

STASIME. Hélas ! quand il ne gagnait rien à parler : « Je m’engage, » disait-il ; maintenant qu’il le faudrait, il ne peut ouvrir la bouche.

LESBONICUS. Vous me jugez digne de votre alliance, Philton ; je vous en suis bien obligé. Mais quoique, ma foi, mes sottises m’aient mis bien bas, nous avons encore une campagne près de la ville, je la donnerai en dot à ma sœur ; c’est, avec l’existence, l’unique bien que mes folies m’aient laissé.

PHILTON. Je ne m’occupe guère de dot.

  1. Le texte dit sans les charges religieuses, parce que les héritiers devaient subvenir aux frais de toutes les cérémonies instituées par le mort.