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cette demeure, sont détruites, anéanties, perdues pour moi : je suis mort ! Dieux pénates de mes parents, auguste Lare de ma famille, protégez la fortune de mon père et de ma mère, je vous la confie. Pour moi, je vais me chercher d’autres pénates, un autre Lare, une autre ville, une autre cité : l’Attique me fait horreur. Dans ce pays où les mœurs se corrompent de jour en jour, où l’on ne peut distinguer l’ami de l’ennemi, où l’on vous enlève ce qui charme le plus votre cœur, on m’offrirait un trône que je ne voudrais pas même être citoyen.


SCÈNE II. — EUTYQUE, CHARINUS.


EUTYQUE, sans voir Charinus. O toi, témoin des hommes et des dieux, souveraine des mortels[1], toi qui m’offres cet espoir tant désiré, je te rends grâces. Y a-t-il un dieu dont la joie égale la mienne ? Ce que je cherchais était à la maison : j’y ai trouvé six camarades, Vie, Amitié, Patrie, Joie, Plaisir, Jeu. Grâce à cette rencontre, j’ai exterminé d’un même coup dix véritables fléaux, Colère, Haine, Folie, Ruine, Entêtement, Chagrin, Larmes, Exil, Misère, Abandon. O dieux, je vous en conjure, faites que je le trouve bien vite.

CHARINUS, aux spectateurs. Je suis prêt, vous le voyez, et je mets bas la grandeur. Je serai moi-même ma suite, mon domestique, mon cheval, mon palefrenier, mon écuyer ; je me commande, je m’obéis, je porte pour moi ce dont j’ai besoin. O Cupidon, que tu es grand ! tu inspires sans peine la confiance à celui que tu choisis, et cette confiance tu peux tout à coup la changer en découragement.

EUTYQUE. Je me demande où je dois courir le chercher.

CHARINUS. Je suis résolu à suivre ses traces partout, quand on l’aurait emmenée au bout du monde. Ni rivière, ni montagne, ni la mer même ne m’arrêteront ; je ne crains ni chaud, ni froid, ni vent, ni grêle. J’endurerai la pluie, je supporterai la fatigue, le soleil, la soif. Je ne m’abriterai, je ne me reposerai nulle part avant d’avoir trouvé ma maîtresse ou la mort.

EUTYQUE. Je ne sais quelle voix arrive à mon oreille.

CHARINUS. Je vous invoque, lares des voyageurs, soyez-moi propices.

EUTYQUE. O Jupiter, est-ce là Charinus ?

CHARINUS. Mes concitoyens, adieu.

  1. La Fortune.