Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 2.djvu/491

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LA SERVANTE. Je me suis tue ; mais maintenant qu’il est là je ne me tairai plus ; il faut que je le fasse connaître.

DINARQUE, à part. Je suis pétrifié, je n’ose pas bouger. Tout est découvert ; les comices s’assemblent pour décider de ma vie ; ce méfait est le mien, cette sottise est la mienne ; je tremble de m’entendre nommer à l’instant. (Il s’appuie au mur.)

CALLICLÈS. Parle, qui a déshonoré ma fille encore vierge ?

LA SERVANTE, regardant Dinarque. Je vous vois, vous qui, par conscience de votre faute, devenez le tuteur de cette muraille.

DINARQUE, à part. Je ne suis ni mort ni vivant, et je ne sais où donner de la tête. Comment fuir d’ici ? comment aborder cet homme ? je l’ignore. L’effroi me glace.

CALLICLÈS. Le nommeras-tu ou non ?

LA SERVANTE. C’est Dinarque, à qui vous l’aviez promise dans le temps.

CALLICLÈS. Où est-il, celui que tu viens de nommer ?

DINARQUE. Me voici, Calliclès. Par vos genoux que j’embrasse, je vous en conjure, supportez en sage cet acte de folie, et pardonnez-moi un crime que le vin, en m’ôtant la raison, m’a fait commettre.

CALLICLÈS. Vous avez tort : vous rejetez la faute sur un accusé muet, qui ne peut prendre la parole. Le vin, s’il pouvait parler, se défendrait. Ce n’est pas le vin qui règle les hommes, mais les hommes qui règlent le vin, du moins les hommes comme il faut. Quant au pervers, qu’il boive ou qu’il se passe de vin pur, il n’en est pas moins pervers de son naturel.

DINARQUE. Je le sais ; il faut me résigner à bien des reproches que j’aimerais mieux ne pas entendre. Je reconnais que je suis dans vos mains, j’avoue ma faute.

LA SERVANTE. Voyons, Calliclès, je vous en prie, ne soyez pas injuste. L’accusé plaide les bras libres, et vous tenez les témoins enchaînés.

CALLICLÈS, à ses esclaves. Détachez-les ; allez-vous-en (à la servante), toi à la maison (à la coiffeuse), et toi chez toi : raconte cela à ta maîtresse ; qu’elle rende l’enfant, si on le lui réclame. (A Dinarque.) Quant à vous, venez avec moi en justice.

DINARQUE. Pourquoi voulez-vous que j’aille en justice ? c’est vous qui êtes mon préteur. Mais je vous en supplie, Calliclès, donnez-moi votre fille en mariage.