ACTE V.
STRATOPHANE, ASTAPHIE, PHRONESIE, STRABAX.
STRATOPHANE. Comme toujours, j’apporte en me ruinant mon offrande à mon amie. Pour rendre agréables mes anciens cadeaux, j’y ajoute encore ceci… Mais qu’est-ce à dire ? j’aperçois devant la maison la maîtresse et la servante ; abordons-la. Que faites-vous ici toutes deux ?
PHRONÉSIE. Ne me parlez pas.
STRATOPHANE. Tu es bien cruelle.
PHRONÉSIE. Laissez-moi comme je suis. Ne pouvez-vous cesser de m’importuner ?
STRATOPHANE. Qu’y a-t-il donc, ma petite Astaphie ?
ASTAPHIE. Elle a bien sujet, ma foi, d’être en colère contre vous.
PHRONÉSIE. Moi ? je ne suis pas si fâchée que cela.
STRATOPHANE. Si j’ai été coupable, mon cher amour, j’apporte pour t’apaiser cette mine d’or ; veux-tu me sourire ? regarde.
PHRONÉSIE. Ma main ne veut pas que je croie avant de tenir. Il faut faire vivre l’enfant, il faut faire vivre celle qui a lavé le nouveau-né ; il faut à la nourrice de quoi avoir une grosse outre de vin vieux, pour boire jour et nuit ; il faut du bois, il faut du charbon, il faut des langes, des coussins, des couches, un berceau ; il faut de l’huile, il faut de la farine pour l’enfant ; il faut toute la journée. On aura beau tout faire aujourd’hui ; il faudra toujours. Ce n’est pas avec des nèfles qu’on peut nourrir des enfants de militaires.
STRATOPHANE. Regarde donc, et prends, pour subvenir à tout cela.
PHRONÉSIE. Donnez, quoique ce ne soit pas grand’chose.
STRATOPHANE. J’ajouterai encore une mine.
PHRONÉSIE. C’est bien peu.
STRATOPHANE. Je mettrai ce qui te plaira, ce que tu voudras ; mais à présent donne-moi un baiser.
PHRONÉSIE. Laissez-moi, vous dis-je, vous m’ennuyez.
STRATOPHANE. Rien n’y fait ; je ne suis pas aimé ; je perds mon temps. L’amour m’a fait dépenser petit à petit plus de six livres pesant d’argent.