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LIVRE II.


CVII.

1 Rapportons maintenant quelques merveilles du quatrième élément de la nature, du feu, et d’abord du feu dans l’eau.

CVIII.

1(CIV.) À Samosate en Commagène est un étang qui jette un limon enflammé qu’on appelle malthe (XXXVI, 58). Ce limon adhère aux corps solides, et vainement on fuirait pour s’en débarrasser. C’est avec cette substance que les habitants défendirent leur ville contre Lucullus : le soldat brûlait avec ses armes. L’eau en active la combustion ; l’expérience a appris qu’on ne pouvait l’éteindre qu’avec de la terre.

CIX.

1(CV.) La nature du naphte est semblable : on appelle ainsi une substance qui coule comme du bitume liquide, dans les environs de Babylone et dans l’Astacène, province de la Parthie. Le feu a une grande affinité pour elle, et il s’y jette dès qu’il est à portée. C’est ainsi qu’on rapporte que Médée brûla sa rivale : celle-ci, au moment où elle s’approchait de l’autel pour y faire un sacrifice, eut sa couronne aussitôt envahie par le feu.

CX.

1(CVI.) Au nombre des merveilles du feu dans les montagnes il faut placer l’Etna, qui brûle toutes les nuits, et qui suffit à un incendie de tant de siècles ; chargé de neige en hiver, les cendres qu’il rejette se couvrent de frimas. Et ce n’est pas la seule montagne où sévisse la nature, annonçant ainsi la combustion générale de la terre. Dans la Phasélis (V, 26) [province de la Lycie] brûle le mont Chimère, et la flamme ne s’en éteint ni le jour ni la nuit ; l’eau en active les feux, la terre ou le foin les éteint, d’après le rapport de Ctésias de Cnide. Dans la Lycie encore, les monts Hephæstiens (V, 28), à l’approche d’une torche enflammée, s’embrasent aussitôt, tellement que les cailloux et le sable des ruisseaux brûlent au sein des eaux mêmes : ce feu est alimenté par les pluies ; 2si on y allume un bâton avec lequel on tracera des sillons, on dit qu’il se forme des ruisseaux de feu. Dans la Bactriane, le mont Cophante brûle pendant la nuit. Il y a des feux allumés dans la Médie et dans la Sittacène (VI, 31), sur les confins de la Perse ; il y en a à Suse (VI, 31), à la Tour blanche, qui sortent par quinze soupiraux, dont le plus grand est visible même de jour. 3La plaine de la Babylonie présente une sorte de piscine enflammée, grande d’un jugère (25 ares). En Éthiopie, près du mont Hesperius (VI, 35), les campagnes paraissent la nuit comme étoilées ; il en est de même dans le territoire des Mégalopolitains (IV, 10); mais ce feu, quoique placé au milieu d’un bois, est agréable, et ne consume pas le feuillage qui le recouvre. Le cratère toujours ardent du Nymphæum (II, 96 ; III, 26) est placé près d’une fontaine glaciale, et prédit aux Apolloniates ses voisins les maux qui les menacent, ainsi que Théopompe l’a rapporté : il s’accroît par les pluies, et rejette un bitume qu’il faut mêler avec l’eau de cette fontaine, laquelle n’est pas potable ; sans quoi ce bitume est plus liquide que tous les autres. 4Mais pourquoi s’étonner de ces phénomènes ? Au milieu de la mer, Hiéra, île éolienne (III, 14), située près de l’Italie, a brûlé avec la mer même pendant quelques jours, lors de la guerre sociale (an de Rome 663, avant J.-C. 91), jusqu’à ce qu’une légation du sénat eût fait les expiations nécessaires. En Éthiopie, la montagne appelée Theon Ochema (VI, 35) est toujours en proie au plus violent incendie, et, sous les rayons ardents du soleil, elle lance des torrents de flamme. Tant sont grands et nombreux les incendies que la nature a allumés sur la terre !

CXI.

1(CVII.) Ajoutez que cet élément, qu’une étincelle suffit pour développer, est le seul qui soit fécond et s’engendre lui-même. Que doit-il