Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/505

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trente-huit pieds, furent placées dans l’atrium de Scaurus ? Et cela ne s’est fait ni en secret, ni à la dérobée ; l’entrepreneur des égoûts publics se fit donner caution pour le dommage que pouvait occasionner le transport4 de ces colonnes jusqu’au mont Palatin. À la vue d’un si mauvais exemple, n’était-ce pas le cas de veiller à la conservation des mœurs ? Cependant les lois se turent quand ces masses énormes, amenées dans une maison particulière, passèrent devant le faîte en argile (XXXV, 43 et 45) des temples des dieux.

Ill

III.
Et l’on ne dira pas que Scaurus, par une sorte de premier essai du vice, surprit la candeur d’une cité simple encore, et peu en garde contre de pareils maux. Déjà L. Crassus (XVII, 1), l’orateur, celui qui le premier eut des colonnes de marbre étranger sur ce même mont Palatin (elles étaient en marbre de l’Hymette, au nombre de six seulement, et n’avaient pas plus de douze pieds), L. Crassus avait été nommé à cause de cela, dans une querelle, par M. Brutus, la Vénus du Palatin. Sans doute nos pères ont passé par là-dessus, les mœurs étant vaincues ; et voyant que ce qui était défendu l’était vainement, à des lois inutiles, ils préférèrent l’absence de lois. 2 Ceux qui viendront après nous démontreront que nous avons valu mieux que nos pères. Qui, en effet, a dans son atrium d’aussi énormes colonnes ? Mais avant de parler des marbres nous pensons devoir mettre sous les yeux la valeur des hommes qui les ont travaillés. Passons donc d’abord en revue les artistes.

IV

IV.
Les premiers de tous qui se distinguèrent en sculptant le marbre furent Dipœnus et Scyllis, nés dans l’île de Crète. Les Mèdes avaient encore l’empire ; Cyrus n’avait pas commencé de régner en Perse : c’était par conséquent vers la cinquantième olympiade. Ils allèrent à Sicyone, qui fut longtemps la patrie de tous les ateliers en ce genre de travaux5. Les Sicyoniens avaient fait prix avec eux pour des statues de dieux ; mais avant qu’elles fussent achevées les artistes se plaignirent d’un tort, et se retirèrent chez les Étoliens. Aussitôt Sicyone fut affligée par la stérilité et la famine, et plongée dans la consternation. Les habitants demandant un remède, Apollon Pythien répondit que leurs maux cesseraient si Dipœnus et Scyllis achevaient les statues des dieux ; ce qu’on obtint à force d’argent et de soumissions. Ces statues étaient celles d’Apollon, de Diane, d’Hercule et de Minerve : cette dernière fut depuis frappée de la foudre.

V.
Quand ces deux artistes parurent6, il y avait déjà eu dans l’île de Chios, Melas, sculpteur, puis son fils Micciadès et enfin son petit-fils Archennus, dont les fils Bupalus et Athenis7 furent très-célèbres dans cet art. Ces deux derniers étaient contemporains du poète Hipponax, qui a certainement vécu dans la soixantième olympiade. Si on fait le calcul en remontant dans cette famille jusqu’au bisaïeul, on trouvera que la sculpture a commencé8 avec l’ère des olympiades. Hipponax était remarquablement laid. Les deux artistes, par forme de plaisanterie, exposèrent son portrait à la risée du public ; Hipponax, indigné, distilla contre eux l’amertume de ses vers, si bien que, selon quelques-uns, ils se pendirent de désespoir : mais cela est faux. 3 En effet, ils firent postérieurement nombre de statues dans les îles voisines, par exemple à Délos, mettant à ces ouvrages une inscription en vers, dont le sens était que Chios était fameuse non-seulement par ses vignes (XIV, 9), mais encore par les œuvres des fils d’Archennus9. Les Lases montrent aussi