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PLINE.


comme le choc de deux pierres fait jaillir des étincelles. 3Mais tout cela est dû au hasard. De là des foudres aveugles et vaines toujours, n’étant le produit d’aucune des lois de la nature : elles frappent les monts, elles se précipitent dans les mers, et portent tant d’autres coups inutiles ; mais les foudres qui viennent de plus haut sont les interprètes du destin, elles ont des causes fixes, et elles sont envoyées par les astres qui les engendrent.

XLIV.

1(XLIV.) Je ne nierai pas non plus que des vents, ou plutôt des souffles, ne puissent provenir aussi d’une exhalaison aride et sèche de la terre ; qu’ils ne puissent sortir des eaux donnant issue à un air qui ne se condense pas en brouillards, ni ne s’agglomère en nuages ; qu’ils ne puissent enfin être déterminés par l’impulsion du soleil, puisque le vent, on le sait, n’est qu’un courant d’air. 2À ces causes on peut en joindre bien d’autres ; car nous voyons certains vents s’élever des fleuves, des golfes, et de la mer même tranquille ; et d’autres, qu’on appelle Autans, venir de terre. Ces vents, revenant de la mer à la terre, sont appelés Tropées ; continuant à porter en haute mer, Apogées.

3(XLIV.) Les montagnes avec leurs lignes brisées, avec leurs sommets nombreux, avec leur croupe coudée ou arrondie, avec leurs vallées profondes, fendant par leurs inégalités l’air qui les frappe (disposition qui, en beaucoup d’endroits, produit des échos sans fin), sont une cause de vents.

4(XLV.) Il y a même des cavernes qui en produisent : telle est, sur la côte de Dalmatie, une caverne qui offre un abîme à large embouchure : il suffit d’y jeter l’objet le plus léger, même en un jour calme, pour qu’il en jaillisse une tempête semblable à un tourbillon ; le lieu se nomme Senta. Bien plus, dans la Cyrénaïque se trouve, dit-on, une roche consacrée au vent du midi : y porter la main est un sacrilège, et aussitôt le vent du midi soulève les sables. Dans beaucoup de maisons mêmes, des endroits humides et complètement à l’abri font sentir un souffle, tant il y a de causes de vents.

XLV.

1 Mais il importe beaucoup de distinguer le souffle et le vent. Ces vents réglés et durables qui se font sentir, non à une localité, mais à de vastes contrées ; qui ne sont ni une brise ni une tempête, mais qui se montrent mâles jusque dans leur nom, soit qu’ils naissent du mouvement continuel du monde et du mouvement contraire des astres, soit qu’ils émanent de ce souffle fécond qui anime la nature entière, et qui s’agite çà et là comme dans une espèce de matrice, soit qu’on y voie les effets de l’air fouetté par les coups inégaux des planètes et par les jets divers des rayons, soit qu’ils sortent des planètes voisines ou qu’ils tombent des étoiles fixes ; ces vents, dis-je, sont manifestement assujettis à une loi naturelle qui, sans être ignorée, n’est cependant pas non plus complètement connue. (XLVI.) 2Plus de vingt anciens auteurs grecs ont recueilli des observations sur ce sujet. Mon étonnement est extrême quand je vois que dans le monde, en proie à la division et partagé en royaumes comme en autant de membres, un aussi grand nombre d’hommes s’est livré à la recherche de choses si difficiles à trouver ; et cela sans en être empêchés par les guerres, par les hospitalités infidèles, par les pirates ennemis de tous, et interceptant presque les passages ; et cela avec un tel succès, que, pour des lieux où ils