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LIVRE II.


peu de consistance de liquide, nous le concluons plutôt que nous ne le voyons. 4En effet, chose encore plus singulière, dans un vase plein, le liquide, pour peu qu’on y en ajoute, déborde ; il ne déborde pas si on y fait glisser des poids qui vont souvent jusqu’à vingt deniers (39). Dans ce dernier cas, les poids introduits ne font qu’augmenter la convexité du liquide ; dans le premier, la convexité déjà existante fait que le liquide déborde incontinent. C’est encore grâce à la convexité des eaux que, du pont d’un navire, on n’aperçoit pas la terre alors qu’on la voit du haut des mâts, et que quand un vaisseau s’éloigne, un objet éclatant, placé au sommet du mât paraît descendre peu à peu, et ne devient invisible qu’après tout le reste. 5Enfin l’Océan, qui, de l’aveu commun, est la borne de toutes choses, par quelle autre figure garderait-il sa cohésion et serait-il empêché de tomber, puisqu’il n’est retenu par aucun rivage ultérieur ? Mais cela ne fait pas disparaître la merveille, et l’on demande comment la mer, bien qu’arrondie, ne tombe pas à son extrémité. Le fait est que la mer, même plane et de la figure qu’elle paraît avoir, ne pourrait tomber : c’est ce que les Grecs, inventeurs de tant de choses, enseignent, à leur grande joie et à leur grande gloire, par une théorie géométrique. 6Les eaux se portent de haut en bas ; on sait que telle en est la nature ; personne ne doute non plus que sur un rivage quelconque elles n’arrivent aussi loin que le niveau le permet ; d’autre part, plus un objet est bas, plus il est près du centre de la terre ; toutes les lignes qui sont menées du centre à la surface des eaux au point le plus voisin sont plus courtes que celles qui sont menées en long d’un bout de la mer à l’autre : donc toutes les eaux tendent de toutes parts vers le centre, et elles ne tombent pas parce que toutes font effort vers les parties intérieures de la terre (40).

LXVI.

1 Il faut croire que la nature, artisan des choses, a voulu que la terre, qui, aride et sèche, ne pourrait subsister par elle-même et sans humidité, et l’eau, qui a besoin de l’appui de la terre, s’unissent par un entrelacement mutuel. La terre ouvre son sein, l’eau y pénètre partout, en dedans, en dehors, en haut ; les veines liquides se disséminent comme autant de liens, l’eau fait éruption même au sommet des montagnes ; poussée par l’air et exprimée par le poids de la terre, elle jaillit à la manière des siphons ; et, loin de courir risque de tomber, elle s’élance, au contraire, jusqu’aux sommités les plus élevées. 2Cela explique comment l’afflux quotidien de tant de fleuves ne fait pas croître les mers.

(LXVI.) La terre est donc, dans toute sa circonférence, entourée par la mer, qui la baigne ; et il n’est pas besoin de chercher des arguments pour le prouver, l’expérience l’a déjà démontré.

LXVII.

1(LXVII.) Aujourd’hui, à partir de Cadix et des Colonnes d’Hercule, on navigue dans tout l’océan Occidental, autour de l’Espagne et des Gaules. L’océan Septentrional a été parcouru dans la plus grande partie sous les auspices du dieu Auguste : la flotte fit le tour de la Germanie jusqu’au promontoire des Cimbres (41) ; de là on aperçut une mer immense, ou l’on en apprit l’existence par des ouï-dire, mer qui s’étend jusqu’aux plages de la Scythie, et à des contrées glacées par un excès d’humidité. Il n’est donc nullement vraisemblable que les mers cessent là où prédomine l’élément humide. 2De même à l’orient,