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LIVRE II.


givre. La zone du milieu, par où passe l’orbite du soleil, est embrasée par les feux, et la chaleur trop voisine la brûle. Deux zones seulement, intermédiaires à la zone torride et aux zones glacées, sont tempérées ; et encore ne sont-elles pas accessibles l’une à l’autre, à cause des feux que laissent les astres. Ainsi, le ciel nous enlève trois parties de la terre, et nous ignorons ce qui est la proie de l’océan. 3Et je ne sais si la portion qui nous reste ne doit pas encore être réduite. En effet, le même Océan, pénétrant, comme nous le dirons (III-IV), dans une foule de golfes, vient mugir si près des mers intérieures, que le golfe Arabique n’est éloigné de la mer d’Égypte que de cent quinze mille pas (V, 12) et la mer Caspienne du Pont-Euxin que de trois cent soixante quinze mille. Entrant par tant de mers dans les terres, et découpant l’Afrique, l’Europe et l’Asie, combien d’espace n’occupe-t-il pas ? Que l’on fasse le compte du terrain pris par tant de fleuves et par de si grands marais ; qu’on y ajoute les lacs et les étangs ; qu’on retranche ces montagnes élevées jusqu’aux cieux, 4et dont les pentes abruptes effrayent même la vue ; les forêts, les vallées en précipices, les déserts et les lieux inhabitables par mille causes ; telle est notre part : ces parcelles de terre, ou plutôt, comme plusieurs l’ont dit, un point du monde (la terre n’est rien de plus dans l’univers) ! telle est la matière de notre gloire, tel est notre séjour ! C’est là que nous remplissons les magistratures, que nous gérons les commandements, que nous ambitionnons l’opulence ; c’est là que nous nous agitons, pauvre espèce humaine, que nous organisons des guerres, même des guerres civiles, faisant par des massacres mutuels l’espace plus grand ; 5et, pour passer les fureurs des nations, c’est là que nous empiétons sur les limites d’autrui, et que par fraude nous ajoutons à notre terrain le bord du terrain voisin. Pourtant, celui qui aura mesuré les champs les plus vastes, qui aura expulsé au loin les propriétaires limitrophes, quelle sera sa part sur la totalité de la terre ? Et quand même il aurait étendu ses propriétés à la mesure de son avidité, mort, quelle portion en occupera-t-il ?

LXIX.

1(LXIX.) La terre est au milieu de l’univers entier : cela se conclut d’arguments non douteux, mais surtout de l’égalité du jour et de la nuit à l’équinoxe ; car si elle n’était au milieu, les jours ne pourraient être égaux aux nuits, comme on le voit à l’aide des dioptres (43) qui démontrent surtout cette position centrale. En effet, le lever du soleil à un équinoxe est sur la même ligne que le coucher à l’équinoxe suivant, et de même le lever du soleil au solstice d’été est sur la même ligne que le coucher au solstice d’hiver ; ce qui ne pourrait se faire si la terre n’était pas située au centre.

LXX.

1(LXX.) Trois cercles, dans leurs rapports avec les zones susdites, marquent les inégalités des saisons : le tropique d’été commence pour nous à la partie la plus élevée du zodiaque, et se porte vers la zone du nord ; à l’opposite, vers l’autre pôle, est le tropique d’hiver ; et au milieu du zodiaque marche la ligne equinoxiale.

LXXI.

1 Les autres phénomènes qui nous étonnent ont leur cause dans la figure de la terre elle-même, qui, avec les eaux, a une forme sphérique, ainsi que le prouvent les mêmes arguments. De cette façon les astres du nord ne se couchent jamais pour nous, les astres du midi ne se lèvent jamais, et ceux de notre pôle ne sont pas vus par